L’intérêt est double, voire triple : d’abord Diana Damrau, qui s’est imposée comme l’une des plus grandes sopranos actuelles, ensuite l’accompagnement de la harpe, se substituant au piano, jouée par un harpiste renommé, Xavier de Maistre, et enfin la large place accordée à la mélodie française, sur laquelle s’ouvre le récital.
Les auditeurs de leur tournée européenne, passant par Garnier et Lyon fin mai dernier, pourront apprécier les éventuelles évolutions de la voix, puisque cette captation remonte à trois ans. Prise au Festspielhaus de Baden-Baden, la vidéo s’efforce de reconstituer la réalité du récital, depuis les bruits de salle avant l’entrée des deux artistes, jusqu’à la laideur du décor en arrière-plan, des gradins vides dignes d’une salle de sport.
Les puristes fustigeront ce choix d’accompagnement à la harpe. Qu’importe si le résultat est convaincant, ce qui n’est pas toujours le cas, quelles que soient les qualités de Xavier de Maistre. En effet, le caractère relativement discret de l’instrument, au registre grave limité, s’il s’accorde bien à certaines mélodies françaises, peut priver quelques œuvres de leur équilibre harmonique.
Debussy est illustré à travers sept mélodies qui se prêtent assez bien à cet accompagnement. Parfaitement à l’aise avec la prosodie française, comme si c’était sa langue maternelle, Diana Damrau est exemplaire dans sa conduite vocale, dans le soutien et dans l’égalité de registre. Son intelligence des textes est ici manifeste. Et Fauré n’est pas en reste avec six mélodies. Manifestement elle aime la mélodie française, comme Felicity Lott en d’autres temps. Dans « Notre amour », le rayonnement est chaleureux . L’impromptu pour harpe, du même Fauré, permet à Xavier de Maistre de jouer enfin une pièce originale.
Succède la partie germanique du programme, avec Schumann et Richard Strauss. Accoutumance peut-être, les six lieder de Schumann dans cette version avec harpe peuvent déranger, même si le répertoire a été choisi en prenant en compte ce critère. Les affinités de Diana Damrau avec Strauss ne sont pas nouvelles, mais s’épanouissent ici, en particulier dans « Freundliche Vision », dans « Wiegenlied » et dans « Nacht », par la plénitude de son chant. L’émotion, tout comme l’esprit, sont au rendez-vous.
Cette belle leçon de chant, propre à valoriser la large palette de couleurs vocales de Diana Damrau doit être recommandée, malgré les incontournables « Ave Maria » de Gounod et « Widmung » de Schumann sur lesquels s’achève ce captivant récital.
La seconde partie consiste en un documentaire filmé pour Arte qui nous familiarise à la vie de l’artiste. Ainsi pouvons-nous écouter des échantillons de quelques-uns de ses principaux rôles tenus sur les grandes scènes européennes et américaine. De la Reine de la Nuit à Zerbinetta, en passant par Dona Anna, Violetta, Rosine, Sophie et Eliza, nous la suivons dans son travail vocal, physique aussi, en répétition comme en concert, jusqu’à la naissance de son fils. Sa présence vocale et scénique convaincante donne envie de découvrir ou de retrouver cette extraordinaire cantatrice. L’ensemble, habilement monté, mêle aux entretiens le souvenir de ses études à Würzbourg et les photos de famille.
Hélas, tout est traduit en anglais, sans sous-titrage, même l’interview avec Alain Lanceron, sans que l’on puisse percevoir le texte original. La plaquette est indigente – en anglais, exclusivement – et comporte de multiples erreurs (liste des œuvres illisible, « Fleur des blés » et la « Sérénade toscane » attribués à la harpe seule…). Des insuffisances éditoriales qui ne devraient ni décourager les inconditionnels de la cantatrice, ni empêcher ce DVD de séduire un public plus large.