Nous avons évoqué dans ces colonnes la parution récente de deux coffrets consacrés l’un à quelques opéras buffe et l’autre à plusieurs opéras semiseri de Rossini chez Dynamic. Il s’agit de captations de ces 20 dernières années, dont quelques unes au Festival Rossini de Pesaro. Cette Armida est quant à elle issue des représentations de novembre 2015 à l’Opéra de Gand, dont Christophe Rizoud avait alors rendu compte.
Le DVD n’ajoute ni ne retranche rien à l’appréciation qui avait été la sienne il y a plus de 5 ans. La lecture de Mariame Clément, qui fait des hommes – de tous temps dira-t-on – des compétiteurs violents à la guerre comme au stade, gonflés à la testostérone et aux phéromones, ensorcelés par une poupée gonflable à qui la magie d’Armida donne vie et multiplie pour mieux satisfaire et surtout mettre sous clé les guerriers devenus footballeurs. Il faut bien dire que cette mise en scène – à la direction d’acteurs minimaliste – est aussi lisible qu’un roman de Joyce traduit en hittite. On n’insistera donc pas et on décroche dès le départ, lorsqu’on se retrouve quelque part entre un terrain de football, un crematorium et un lupanar. Aucune trouvaille ne viendra rattraper cette (mauvaise) impression.
© Annemie Augustijns
Bien qu’elle fasse de son mieux pour venir à bout de cet unique rôle soliste si meurtrier, écrit pour la Colbran, Carmen Romeu a des aigus bien raides et surtout très limités qui empêchent son envol malgré d’incontestables beaux moments, notamment dans ses duos avec Rinaldo. Robert McPherson, au timbre de ténor si léger qu’il en est surprenant lorsqu’on l’entend pour la première fois, débute un peu sur la corde raide, mais s’en sort plutôt bien. Tout comme Dario Schmunk, à la voix plus assurée. Malgré des interventions très rares, on admire la belle voix de basse de Leonard Bernad ou celle du quatrième ténor de la distribution, Adam Smith. On apprécie un peu moins les chœurs, en particulier celui des femmes dans les deux derniers actes, relativement terne.
Mais les plus grandes qualités musicales sont ailleurs. Elles s’incarnent entièrement sur le plateau dans le Rinaldo parfait d’Enea Scala, ténor d’une grande vaillance et qui fait forte impression tout au long de la représentation. L’autre atout maître, le principal même, est dans la fosse. À 87 ans au moment de la captation, le regretté Alberto Zedda reste confondant d’énergie et de précision, en dépit d’un orchestre assez mal assuré au départ. Le chef signait là l’une de ses dernières apparitions à l’opéra et l’entendre dans cette musique pour laquelle il a tant fait est un bonheur qui se suffirait presque à lui-même. On a d’ailleurs surtout envie de ne retenir que cela – et le Rinaldo d’Enea Scala – de cette vidéo.