Un quart de siècle s’est écoulé depuis la création de Nixon in China à Houston. En son temps, l’œuvre n’était pas passée inaperçue et s’inscrivait dans le contexte de la renaissance d’un genre donné pour moribond. Le premier opéra de John Adams (né en 1947) fut donné en 1991 à Bobigny, la création mondiale du second fut assurée la même année par les opéras de Bruxelles et de Lyon, et El Niño fut coproduit par le Châtelet en décembre 2000. En 2004, le premier livre jamais consacré à Adams fut l’œuvre de notre compatriote Renaud Machart, grand défenseur de la musique américaine. Depuis, la France semble avoir pris ses distances avec le compositeur, et l’on attend toujours dans notre pays la création scénique de Dr Atomic, l’opéra le plus ambitieux que John Adams ait composé depuis dix ans.
Alors que Nixon in China a fait l’objet de nombreuses reprises dans les pays anglophones – les superbes photos couleurs illustrant le volume témoignent des productions données à Vancouver, Saint Louis, Long Beach ou New York, sans oublier Londres ou Toronto – mais aussi en terre germanique (Francfort en 1992, Vienne en 1997, Fribourg en 2000), voire en Italie (Vérone en 2008), la France a laissé s’écouler une bonne décennie avant de s’intéresser à nouveau à John Adams. Espérons que les représentations données au Châtelet en avril 2012 permettront de renouer des relations plus suivies avec le compositeur.
Ce dernier numéro de l’Avant-Scène Opéra montre du moins que John Adams n’a pas été oublié de tous. Le très savant guide d’écoute de Pierre Rigaudière souligne toute la complexité d’une musique infiniment moins « répétitive » et « minimaliste » qu’on ne le dit, et met en évidence la riche culture musicale d’Adams. Les articles qui suivent l’analyse du livret et de la partition reprennent notamment un texte remarquable, écrit en 1991 par Michel Schneider sur « l’apothéose du Grand Opéra ». Tout aussi pertinent, « Actualité et opéra contemporain », d’Aude Ameille, se penche sur les œuvres lyriques inspirées d’événements récents, tendance fortement représentée dans le monde anglo-saxon, mais à laquelle la France n’a pas échappé, comme en témoigne Marianne d’Edouard Lacamp, créé à Saint-Etienne en 2003 ! Dans leurs articles respectifs, Hélène Cao et Béatrice Ramaut-Chevassus s’interrogent, elles, sur l’ensemble de la carrière de John Adams, qui compte à ce jour six opéras, et dont on souhaite qu’elle n’en reste pas là.