Le vol en avion est devenu au XXe siècle une des réalités de notre vie, et il est assez logique que l’opéra s’en soit emparé, depuis Vol de nuit de Dallapiccola en 1940 jusqu’à ses avatars plus récents. Mais il s’agissait jusqu’ici d’opéras au sol, d’opéras d’aéroport (voir notre brève). Dans Nixon in China , John Adams avait magnifiquement évoqué en musique l’atterrissage d’Air Force One à Pékin ; voici venu l’opéra qui décolle vraiment, avec Airline Icarus. Dans cet opéra de chambre du Canadien Brian Current, créé en 2011 en Italie puis repris au Canada et aux Etats-Unis, on suit un vol depuis l’embarquement jusqu’au crash, inéluctable avec une compagnie aérienne qui s’appelle Icare. Tout y passe : les paroles d’accueil du commandant de bord, le discours des hôtesses de l’air avec consignes de sécurité, puis divers passagers soliloquent, terrorisés ou au contraire plongés dans une inconscience bienheureuse avant la catastrophe finale. Né en 1972, Brian Current fait flèche de tout bois, empruntant à Britten comme aux minimalistes, sans allégeance envers une école particulière, et parvient à offrir une écriture vocale convaincante pendant les trois quarts d’heure que dure cette œuvre, soit à peu près le temps que met réellement un vol reliant Ottawa à Cleveland. Espérons que le compositeur n’en restera pas là et qu’une carrière opératique aussi prometteuse ne sera pas abattue en plein vol.
Airline Icarus, Brian Current, opéra de chambre pour cinq solistes, chœur de chambre, neuf musiciens et bande enregistrée, 1 CD Naxos 8.660356, 43’46