Mettre en regard les sacrifices d’Abraham et de Jephté, mais aussi le maître (Carissimi) et l’élève (Charpentier) semblait aller de soi, or, curieusement, personne n’y avait encore songé. Après des débuts prometteurs chez Harmonia Mundi dans le rare Pastor fido de Haendel, David Bates et sa Nuova Musica se sont attaqués, avec moins de bonheur, à son monumental Dixit Dominus. Alors que leur proposition manquait d’élan et souffrait des carences expressives des solistes, aujourd’hui, certains en font trop, aussi bien dans Le Reniement de Saint-Pierre de Charpentier (Nicholas Scott) que dans l’Historia di Jephte de Carissimi (Robert Murray), Isaac et Abraham, quant à eux, peinant à trouver le ton juste et à nouer un véritable dialogue (Sacrificium Abrahae). Confiés à deux chanteurs par pupitre, les chœurs sont plus aboutis (poignantes lamentations finales), mais c’est la fille de Jephté, jeune vierge d’une loyauté exemplaire, incarnée par Sophie Junker, qui vaut le détour : la voix, d’abord – un soprano sain, frais et lumineux –, nous séduit dans l’allégresse (« Incipite in tympanis et psallite in cymbalis ») avant que l’interprète ne s’impose par la vérité de ses accents dans l’affliction (« Plorate colles, dolete montes »). Un nom à suivre !
Sacrifices. Marc-Antoine Charpentier, Giacomo Carissimi. La Nuova Musica, dir. David Bates. Harmonia Mundi 807588