Après son repos sabbatique de neuf mois, Philippe Jaroussky revient sur le devant de la scène, toujours aussi fringant mais contraint ce jeudi soir à Ambronay de reconquérir une voix qui au matin l’avait tout simplement abandonné. L’annonce initiale d’Alain Brunet, directeur du festival, fait part au public de l’incertitude qui planait deux heures encore avant le concert sur la possibilité de sa tenue. Le Venice Baroque Orchestra, sous la direction d’Andrea Marcon, en paraît tout ému, et l’ouverture de l’opéra de Porpora, Il Germanico, s’en ressent. Mais voici notre contre-ténor, chaleureusement applaudi pour son retour dans l’abbatiale, dont on retrouve la limpidité du timbre dans « Mira in cielo », extrait d’Arianna, puis dans « Si pietoso il tuo labbro », extrait de Semiramide riconosciuta. Diction exemplaire, nuances, mais peu d’ampleur – il manque le rayonnement auquel le chanteur nous avait habitué, sa longueur de souffle aussi. Après une ouverture de Leonardo Leo, le chef Andrea Marcon annonce une surprise au public : afin de laisser au chanteur le temps de repos nécessaire en pareilles circonstances, l’orchestre met à profit la double compétence de l’une de ses intrumentistes. Anna Fusek troque alors son violon pour une flûte à bec et interprète, accompagnée par le Venice Baroque Orchestra, le Concerto en ut majeur RV 443 de Vivaldi, avec un brio exceptionnel qui lui vaut les applaudissements enthousiastes du public après chaque mouvement, malgré le geste du chef demandant le silence. Lorsque Philippe Jaroussky revient, la voix a repris de l’ampleur, de l’assurance dans les forte, et la fin de la première partie, avec le bien nommé « Come nave in ria tempesta » (extrait de Semiramide d’Assiria), est une promesse d’ascension vers les sommets espérés. Promesse tenue après la pause : cet hommage à Porpora et à Farinelli se poursuit avec entre autres le célèbre « Alto Giove » et ses superbes messe di voce. L’extrait d’Orfeo initialement retiré du programme en raison de sa longueur, « Dall’ amor più sventurato » est donné en bis, et en quelques mots chaleureux, le chanteur remercie le public et dit le combat mené depuis l’aube afin d’honorer ce concert et sa fidélité à Ambronay. Gageons que la suite de la tournée, qui accompagne la sortie de son nouveau disque, « Farinelli » (Erato), sera à la hauteur de la vaillance et des exigences du contre-ténor. [Fabrice Malkani]
Prochains concerts : les 23 et 25 septembre au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, le 27 au Sveltanov Hall à Moscou, et en octobre à Berlin (le 8), Francfort (le 12), Stuttgart ( le 14), Munich (le 16), Amsterdam (le 20), Bruxelles (le 22), Luxembourg (le 24), Barcelone (le 27), Pampelune (le 29, Madrid (le 31).
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