Un enregistrement intitulé I colori dell’ombra pouvait-il ignorer cette voix entre chien et loup ? Entre deux « galops intrépides », pour reprendre sa formule, où son instrument tient la vedette, Ophélie Gaillard accueille Lucile Richardot sur son dernier projet consacré à Vivaldi. Quelque chose d’inhabituel nous surprend dès les premières mesures du Largo de Persée, « Sovvente il sole » (Andromeda liberata), déjà gravé par Max-Emanuel Cencic, Philippe Jarousky, Nathalie Stutzmann et plus récemment Cecilia Bartoli : la lumière a changé. Forcément, puisque le violoncelle s’est substitué au violon solo, infléchissant légèrement le climat de la pièce mais sans rien entamer de son pouvoir hypnotique. « Souvent le soleil resplendit dans le ciel, plus beau et charmant si un nuage obscur vient de l’assombrir », nuage que le grave fuligineux du mezzo, reconnaissable entre mille, évoque immédiatement. L’arrangement n’est pas signalé dans le livret, mais qu’importe le flacon, pourvu que s’en échappe l’enivrant chiaroscuro de Lucile Richardot dont les volutes savantes réinventent cette gemme de la plus belle eau. En revanche, « Di verde ulivo » (Tito Manlio), « véritable concerto pour voix et violoncelle » (Frédéric Delaméa) trouve Ophélie Gaillard très en verve mais consacre un rendez-vous manqué avec l’organe fluet de Delphine Galou. Oubliable et vite éclipsé par les prodiges de l’orchestre au gré de plages foisonnantes comme, du reste, par le souvenir entêtant de Lucile Richardot.
Antonio Vivaldi, I colori dell’ombra. Ophélie Gaillard, violoncelle et direction, Pulcinella Orchestra. 2 CD Aparté AP 226 (53′ et 38′).