Un chanteur lyrique dans l’émission phare de Laurent Ruquier, On n’est pas couché, c’est un événement, qui plus est lorsqu’ il s’agit du beau Jonas Kaufmann. Avec sincérité, humour et gentillesse, le ténor allemand s’est prêté au jeu des questions/réponses samedi soir, 7 octobre, sur France Télévisions.
Discutant tout d’abord de son dernier disque d’opéra français et à trois jours de la première de Don Carlos à Bastille, il fut longuement interrogé sur la langue française, de sa prononciation, où il excelle. On apprend alors que sa langue maternelle qui s’appuie essentiellement sur les consonnes est paradoxalement plus difficile à chanter, (les appuis étant différents entre la langue chantée et parlée). « Il est toujours difficile de trouver l’équilibre idéal entre la prononciation correcte et compréhensible ».
Christine Angot poursuit sur ce thème en citant une interview récente de Jonas à propos de l’âme française qu’il chérit tant : « En français il faut peaufiner chaque détail, et les voyelles en sont une illustration parfaite », ce qui évoque pour elle le poème Voyelles de Rimbaud. Et d’en profiter pour interroger le ténor allemand sur les couleurs de la musique. Jonas Kaufmann explique ne pas nécessairement recourir à cette vision mais rapporte avec tendresse une anecdote à propos de Nikolaus Harnoncourt, avec lequel il eut la chance de collaborer plusieurs fois : « lorsque les musiciens ne comprenaient pas la sonorité qu’il cherchait à faire ressortir de l’orchestre, Harnoncourt recourait aux couleurs, et le miracle survenait ».
La chroniqueuse poursuit avec une autre interview où Jonas Kaufmann avait déclaré être capable de tout chanter, ce qu’elle lui demande de préciser. Il raconte très simplement que sa voix n’avait rien d’extraordinaire au début et que c‘est à force de travail et d’acharnement, avec entre autre son pianiste Helmut Deutsch, qu’il a fini par la connaître, la comprendre et être en mesure d’y insuffler les émotions qu’il souhaite. Et qu’à partir de cet instant, il n’a rien à s’interdire. Non, il ne pense pas évoluer baryton comme Placido Domingo et non, il ne cherche pas à remplir une « checklist » de tous les rôles pour ténor. Il veut simplement être libre de ses choix, comme en décidant d’interpréter les deux voix du chant de la terre de Malher : ces deux voix ne constituant pas un dialogue, il n’y avait pour lui aucune nécessité d’avoir systématiquement deux chanteurs.
Vinrent ensuite pêle-mêle des questions sur Bastille et Garnier, à propos desquels le mot de Kaufmann est assez remarquable : « Bastille est un opéra, Garnier c’est l’opéra absolu » et sur le rapport des chanteurs stars avec leurs partenaires sur scène et avec les deux autres protagonistes-clés, le chef et le metteur en scène. Avec toute la tendresse et la gentillesse qui le caractérisent, Jonas Kaufmann explique considérer certains des barytons qui ont interprété Posa à ses côtés comme des frères, Ludovic Tézier et Thomas Hampson en tête, et déclare avec toute sa flamme que le Don Carlos de Bastille réunit sur scène les meilleurs chanteurs dans leur catégorie. Il explique le rôle essentiel du chef dans l’interprétation de l’opéra, se permettant de rappeler à certains, en citant non sans humour Ricardo Muti, que le chef sans l’orchestre et les solistes n’est rien. Enfin, il émet une réserve un peu plus grande sur quelques metteurs en scène, convenant que si un jeune chanteur se doit de tout endurer, un chanteur de premier plan peut ne pas accepter certaines lubies, citant en exemple la « bizarrerie » de La Traviata parisienne de Marthaler, le metteur en scène ayant, pour rappel, transposé l’histoire avec Piaf et Théo Sarapo, qui inspira la coiffure de Jonas Kaufmann dans cette production…
Puis vint le moment le plus déroutant de la soirée. Après avoir été embarrassé d’être présenté comme le « meilleur ténor » voire « le ténor avec la meilleure diction », à l’instar du classement ATP, Jonas Kaufmann a peu contré Yann Moix qui assénait qu’un grand chanteur d’opéra se reconnaissait à sa capacité à ne pas prononcer les sons « comme dans la vie normale », allant jusqu’à préférer ne pas comprendre tous les mots pour peu que l’émotion y soit (sic)…ce qui contredisait toute la première partie de l’interview…
Enfin, après avoir interrompu une première fois le ténor pour faire écouter au public l’air de Werther « Pourquoi me réveiller », Ruquier conclut l’interview avec « Recondita Armonia », extrait de Tosca.
Après Don Carlos à La Bastille, si vous souhaitez entendre Jonas en vrai, il vous faudra vous envoler pour l’Extrême-Orient, où le ténor allemand entamera une tournée de quelques semaines en Chine.