A en juger par la clameur qui l’accueille, c’est bien Nina Stemme que le public est venu applaudir ce mardi 6 mars Salle Pleyel. Aussi irréprochables soient Marek Janowski et son Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin dans les Six pièces d’Anton Webern et dans une Mort et Transfiguration de Richard Strauss luxuriante, c’est la soprano suédoise qui ce soir fait l’événement. Le programme pourtant ne lui offre pas tant l’occasion de briller. Les Wesendonck Lieder, dans leur orchestration par Felix Mottl, ne sont pas les pièces qui mettent le plus en valeur la voix. Chromatismes et ruptures plus que vertiges. Qu’importe ! Une fois ses marques prises, le chant se déploie : voiles larges, plénitude du son, puissance ne font pas dévier le vaisseau de sa ligne. Il ne s’agit pas pour Nina Stemme d’extraits d’opéras enchainés mais bien de mélodies envisagées comme un cycle, selon une approche poétique qui, du frisson « lohengrinien » de Der Engel aux incertitudes tonales de Traüme, laisse un sentiment amer d’inachevé. L’émotion monte d’un cran dans la deuxième partie avec une Liebestod qui succède sans transition au prélude de Tristan. L’orchestre déjà chauffé à blanc par le poème symphonique de Strauss s’enflamme. La voix de Nina Stemme ajoute encore à l’incendie. Jamais pourtant on ne ressent la contrainte ou l’effort. Dans une partition qui n’est pas réputée pour être une promenade de santé, le chant coule, brûlant, avec une évidence qui écarte toute appréhension. Sans gilet de sauvetage, ni ceinture de sécurité, on décolle. Qu’offrir de plus après être monté si haut ? Rien. La soirée s’achève sans bis, sous les applaudissements. Christophe Rizoud
RundFunk-Sinfonieorchester Berlin, Marek Janowski, Nina Stemme, Salle Pleyel, Paris, mardi 6 mars. Ce concert reste disponible gratuitement à la réécoute pendant un mois sur France Musique et pendant quatre mois sur www.citedelamusiquelive.tv et www.medici.tv.