On nous apprend, quelques jours après la disparition d’Alice Harnoncourt, la mort de Marie Leonhardt. Autre magnifique violoniste, autre pionnière, autre illustre « femme de » – sans que ce dernier qualificatif soit, ni pour l’une ni pour l’autre, une manière de minorer leurs qualités. Car c’est tout le contraire : aux côtés de leurs maris, ces deux amies ont construit – discrètement, mais résolument – la plus enthousiasmante épopée de l’interprétation moderne des musiques anciennes. Marie épouse Gustav Leonhardt à Zurich en 1953 (comme les Harnoncourt). La Suisse, qui étudie le violon à Londres, rejoint son mari à Vienne, puis à Amsterdam, où on lui confie la classe de clavecin du conservatoire. Ce seront les débuts du Leonhardt Consort, un petit noyau de baroqueux isolés mais résolus, autour duquel graviteront bientôt les Brüggen, Koopman et Kuijken. Bientôt les Passions, bientôt l’intégrale des cantates que leur proposera de se partager un certain… Nikolaus Harnoncourt. Dans ce bouillonnement, Marie Leonhardt, tout comme Alice Harnoncourt, n’est pas qu’une seconde : les questions d’interprétation sont l’affaire des deux époux, à égalité. A la tête de la classe de violon baroque de Rotterdam à partir de 1965, Marie Leonhardt sera toute sa vie une pédagogue recherchée. L’Europe musicale accourt notamment aux masterclasses qu’elle donne à la Casa de Mateus, au Portugal. Le son de Marie Leonhardt nous demeure aujourd’hui à travers une foultitude d’enregistrements, dont une insurpassable Chaconne en ré mineur de Bach. Son violon, un Stainer de 1676, résonne toujours parmi nous sous l’archet d’une de ses brillantes disciples, Sophie Gent.