On en sait davantage sur le massacre programmé de l’intérieur du Palais-Garnier, et cela fait froid dans le dos.
Pour mémoire, il s’agit de rien moins que supprimer les cloisons séparant les loges de l’Opéra. Certains penseront peut-être qu’il s’agit là d’un combat d’arrière-garde. Or il n’en est rien : ces cloisons sont partie intégrante de tous les effets de lumière voulus par Garnier, le « rythme de la lumière » étant essentiel au raffinement mystérieux de ce temple musical. Ôter les cloisons, c’est trahir un architecte de génie, c’est uniformiser l’éclairage, le rendre cru et désespérément homogène. Bref, c’est détruire le charme de la salle. Sans parler de l’inutilité des avant-loges, devenant simples vestibules. Le projet est aujourd’hui de rendre ces cloisons amovibles afin de gagner de la place pour vendre les places chères qu’il serait possible d’implanter en lieu et place des cloisons.
La dépose des cloisons concernerait selon nos informations les soirées de gala, mais qui croira que l’Opéra de Paris se contentera de cela ? Au moment où les comptes de l’Opéra semblent fragilisés (voir brève du mercredi 4 novembre), la tentation sera forte ne pas réinstaller les cloisons lors des représentations « ordinaires », pérennisant ainsi une salle sans loges, et tirant le maximum de revenu d’un Palais Garnier qui, au contraire de Bastille, a jusque-là gardé toute son attractivité. Cependant, même en supposant que chaque fauteuil nouvellement créé soit vendu en première catégorie à chaque représentation de l’année, l’augmentation de la recette ne sera pas un élément transformant, mais simplement un complément de chiffre d’affaires dont on ne saurait croire que Monsieur Lissner n’est pas capable de le trouver autrement.
Le projet n’est pas neuf. Il remonte au rapport Boulez-Vilar de 1969 et est revenu régulièrement depuis. Tous les directeurs successifs se sont refusés à ce massacre. Il aura fallu que le prédécesseur de l’actuel directeur adjoint ressorte le projet des cartons pour qu’il renaisse… et qu’il soit accepté par l’actuelle direction. Les architectes successifs du Palais Garnier eux aussi avaient fait barrage, et notamment Alain-Charles Perrot. L’actuel architecte, Pascal Prunet, a fait part de ses réserves mais son avis n’est que consultatif. La direction est passée outre. Il recommande notamment de rendre invisible lorsque les cloisons sont ôtées le dispositif de suspension et le rail au sol. Délicats travaux !
L’aval donné à ce projet vient en réalité de la DRAC. Or qu’apprend-on ? Les travaux ont débuté alors même que cette autorisation n’a pas encore été donnée ! Ces travaux sont menés par l’Opéra de Paris lui-même, en toute hâte, comme s’il convenait de mettre devant le fait accompli les autorités compétentes et les amoureux du Palais Garnier.
On attend impatiemment que la direction de l’Opéra daigne fournir les explications de nature à rassurer. Pour l’heure, il aura fallu toute la vigilance de Connaissance des Arts pour débusquer une entreprise précipitée, court-termiste et scandaleuse.
Le Palais Garnier est la pépite des théâtres à l’italienne. Il respire l’histoire de l’art lyrique. Y entrer, même en dehors de toute représentation, est un gage d’émotion assurée. Ce que s’apprête à en faire la direction de l’Opéra est extrêmement inquiétant et vandalisera irrémédiablement, quelque précaution qu’on prenne, l’identité de ce théâtre. Il est temps de se mobiliser.
Si comme nous, vous réclamez la préservation de ce patrimoine unique et l’arrêt immédiat de ce projet, signez la pétition lancée par le Comité Garnier.