Brahms est l’un des compositeurs les plus joués au Festival de Verbier, et cette édition 2014 ne déroge pas à la règle puisqu’elle fut inaugurée le 18 juillet par sa Symphonie n°1 op. 68 et qu’elle propose, deux jours plus tard, un récital de musique de chambre intitulé « Brahms et son temps », dans lequel nous retrouvons avec bonheur Anne Sofie von Otter.
Outre la mezzo suédoise, ce récital rassemble de prestigieux instrumentistes, tels le violoniste Daniel Hope, l’altiste Lawrence Power et le pianiste Martin Helmchen. Malheureusement, cela se révèle insuffisant pour susciter notre engouement : les formations éphémères, qui fleurissent lors des festivals estivaux, peinent souvent à trouver une cohésion et à affirmer une vision d’ensemble de chaque oeuvre présentée, ce qui ne pardonne pas dans le domaine de la musique de chambre. Hope se retient difficilement de jouer au soliste, et de façon générale, les musiciens ne s’écoutent pas et, par conséquent, ne dialoguent pas. Certains frottements sont particulièrement disgrâcieux, jusqu’à la dissonance. Ce défaut est particulièrement audible dans les deux premiers morceaux du programme (le Notturno pour quintette à cordes de Dvorak, pourtant débuté par un beau crescendo, et les extraits des Albumblätter de Hans Sitt pour piano et alto, dans lesquels le pianiste Simon Crawford-Phillips ne raconte rien de véritablement intéressant) et dans les trois pièces vocales, les Zwei Gesänge op. 91 de Brahms et Durch Einsamkeiten de Joseph Marx. Nous ne reviendrons pas ici sur les qualités essentielles de von Otter, déjà rappelées dans notre recension de son récital « Douce France », si ce n’est pour insister sur l’excellente diction et la parfaite adéquation du style vocal à ce répertoire. Son art, comparable à de la dentelle, est ruiné par la lourdeur du jeu de l’altiste, du gros velours côtelé, qui semble toujours une nuance en retard et étouffe les subtilités du phrasé de la chanteuse dont on décèle les merveilles dans le sublimissime « Geistliches Wiegenlied ». De ce lied, Von Otter réussit en effet à transmettre toute l’intensité sans jamais sortir du cadre de la berceuse – un équilibre délicat dont elle a le secret. Le final instrumental de Durch Einsamkeiten est plus que douteux.
La sonorité, chaude et claire, et la virtuosité volubile de Hope éclatent dans la Romance op. 2 de Joseph Joachim. Dans les deux quatuors pour piano et cordes qui complètent le programme, le WoO 32 de Schumann (oeuvre de jeunesse rarement exécutée, dont le premier mouvement est presque une mini-symphonie) et le célèbre op. 25 de Brahms, le manque d’homogénéité s’atténue, certes trop peu pour prétendre au miracle. Le discours des différents musiciens est parfois franchement contradictoire (Intermezzo du Quatuor de Brahms), les notes et les changements de tonalité s’enchaînent sans le moindre sens ni finalité (Andante du Quatuor de Brahms). La richesse de ces deux partitions s’amenuise jusque dans le Rondo final du Quatuor de Brahms qui n’a plus grand chose de hongrois. La remarquable interprétation de Martin Helmchen ne sauve rien.
Les promesses non tenues engendrent toujours de grandes déceptions.
Brahms et son temps.Daniel Hope, Nancy Wu, violon; Lawrence Power, alto; Jonathan Cohen, Marie-Elisabeth Hecker, violoncelle; Leigh Mesh, contrebasse; Anne Sofie Von Otter, mezzo-soprano; Simon Crawford-Phillips, Martin Helmchen, piano
Festival de Verbier, dimanche 20 juillet 2014, 20h