« L’art de Wagner fut la grande passion amoureuse de la vie de Nietzche », écrivait Thomas Mann. A partir précisément des relations complexes qu’entretenait le philosophe avec le compositeur, Alain Bézu a imaginé une version du Ring des Nibelungen adaptée aux dimensions – modestes – de l’Athénée à Paris. Une sélection de textes de Friedrich Nietzche, dits par un Francois Clavier tantôt goguenard tantôt enflammé, a été intercalée entre les plus grandes scènes de la Tétralogie (adieux de Wotan, murmures de la forêt…), elles-mêmes interprétées dans une orchestration révisée par Dominique Debart pour une vingtaine d’instruments. Trois jeunes chanteurs – Muriel Ferraro (Brunnhilde), Aurélien Pernay (Wotan) et Paul Gaugler (Siegfried) – peuvent ainsi chanter des rôles que leur format vocal leur interdirait d’envisager aujourd’hui – et sans doute demain – en grandeur réelle. A l’image de l’œuvre wagnérienne, le résultat captivera ou rebutera (certains spectateurs quittent la salle en cours de représentation). Évidemment, aborder le Ring ainsi, dans des conditions sonores réduites, c’est un peu comme visiter le Château de Versailles à travers une reconstitution miniature de la Galerie des glaces. N’empêche qu’il s’agit d’un moyen comme un autre d’appréhender un monument musical dont l’imposante stature peut décourager, voire effrayer, le néophyte. Quant à ceux qui connaissent déjà leur « Tetra » sur le bout des doigts, ils découvriront, s’ils ne le savaient déjà, que Nietzche, au contraire de Wagner, ne manquait pas d’humour. Christophe Rizoud
Nietzsche / Wagner : le Ring, d’après l’opéra de Richard Wagner. Textes : Friedrich Nietzsche. Direction musicale : Dominique Debart. Mise en scène : Alain Bézu avec l’Orchestre Lamoureux et les chanteurs Muriel Ferraro, Paul Gaugler, Aurélien Pernay ainsi que le comédien François Clavier. Jusqu’au 11 mai 21012. Athénée Théâtre Louis-Jouvet. (Plus d’information)