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La Passion selon Sellars à Baden-Baden

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Brève
21 avril 2014
La Passion selon Sellars à Baden-Baden

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Après la Passion selon Saint Mathieu, donnée en 2011 (et disponible en DVD), Simon Rattle et Peter Sellars se lancent à Baden-Baden dans la Saint Jean avec la même équipe de chanteurs (Thomas Quasthoff excepté) et le même principe proche du « mystère » médiéval : une mise en espace très sobre, sans costumes ni décors (mais avec des éclairages variant selon l’action) et presque entièrement fondée sur la direction d’acteurs, que l’on sait intense chez Sellars. De fait, on n’est pas déçu sur ce plan-là, le travail est impressionnant de maîtrise. Peter Sellars ne cherche pas à vraiment raconter l’histoire mais plutôt à accompagner le récit de l’Evangéliste, d’ailleurs très mobile et très humain puisqu’en empathie avec les différents personnages. S’il faut accepter certaines « incohérences », on est saisi par certaines scènes. Pour autant, la froideur n’est pas loin et l’émotion peine à nous envahir complètement mais sans doute est-ce dû à l’immensité du cadre du Festspielhaus qui n’est peut-être pas la scène idéale pour rendre compte de toute l’intensité d’un travail d’acteur aussi précis et « intime ».

Le même problème se pose pour la partie musicale : une salle de 2500 places est-elle le lieu le plus adapté pour entendre une œuvre de Bach, avec notamment viole de gambe et luth ? (ces instruments sont d’ailleurs sonorisés afin d’être audibles…). L’orchestre est réduit à une trentaine de musiciens, tous excellents, et Simon Rattle a su tirer des leçons des baroqueux : vibrato (très maîtrisé), articulations, tempi, etc., l’ensemble est remarquable et, malgré quelques « tics » (absence de respirations entre certaines phrases de chorals, certains mots très surlignés…), sonne toujours « juste » et comme une démonstration que Bach peut être convaincant sur instruments modernes.

Remarquable encore l’équipe de chanteurs dont il faut louer avant tout Mark Padmore, magnifique Evangéliste, extrêmement engagé, toujours aussi fin chanteur et surtout fin diseur ; Christian Gerhaher, impressionnant Pilate, d’une présence magnétique (mais qui n’est pas vraiment la basse requise pour la partition, ce qui s’entend dans certaines pages) ou Camilla Tilling, au soprano lumineux qui fait merveille dans les splendides arias qu’elle magnifie. Magdalena Kozena réussit un superbe « Es ist vollbarcht » tandis que Roderick Williams est un Christ parfait. Topi Lehtipuu,en revanche, souffre dans ses arias dont la tension fait craindre l’accident.

Remarquable encore le Chœur de la Radio de Berlin, d’une belle homogénéité, quelle que soit sa position sur scène, et d’une précision à toute épreuve. On notera surtout leur ’engagement scénique. Sellars a raison de s’incliner devant eux aux saluts, tout comme il le fait devant tous les autres musiciens, tant il n’était pas évident de donner une vie scénique à une œuvre qui n’est pas prévue pour cela. Pour autant, on n’atteint pas l’émotion qui avait submergé ceux qui ont eu la chance de voir Theodora, sans doute l’une des réussites majeures de Peter Sellars, à l’Opéra national du Rhin en 2004. [Pierre-Emmanuel Lephay]

Johann Sebastian Bach, Johannes-Passion. Peter Sellars (mise en scène). Camilla Tilling (soprano), Magdalena Kozena (mezzo soprano), Mark Padmore (ténor, l’Evangéliste), Topi Lehtipuu (ténor, arias), Roderick Williams (baryton, le Christ), Christian Gerhaher (baryton, Pilate, Pierre, arias). Rundfunkchor Berlin (chef de chœurs : Simon Halsey). Berliner Philharmoniker. Simon Rattle (direction musicale). Baden-Baden, Festspielhaus, 13 avril 2014

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