Ce printemps, Karine Deshayes est décidément partout : en moins de quinze jours, au concert, on a pu l’entendre dans Uthal à Versailles, Le Paradis et la péri à Saint-Denis et en duo avec Jean-Sébastien Bou Salle Gaveau ; au disque, elle vient de publier chez Aparté un très beau récital de mélodies françaises du XIXe siècle. Mais cela ne suffit apparemment pas, et voici que paraît en même temps un disque révélant encore une autre facette de son talent. Bien que de notre temps, la musique de Karol Beffa n’est certes pas de celles qui font peur aux interprètes, car elle ne soumet pas la voix à des épreuves rigoureuses. Les douze minutes que représentent Nuit obscure, quatre mélodies pour voix et orchestre à cordes, se caractérisent plutôt par leur côté « planant ». Le texte des poèmes de Saint-Jean de la Croix ne figurent pas dans le livret d’accompagnement, et Karine Deshayes succombe sérieusement à un travers que d’aucuns ont déjà pu lui reprocher : dans la première pièce en particulier, la diction est sacrifiée au désir de faire du beau son. Mais peut-être n’est-ce pas si grave, car le climat général est finalement assez proche de certaines œuvres de Gorecki ou d’Arvo Pärt, où compte plus l’émotion communiquée par la musique que les mots qui lui servent de support.
Karol Beffa, Into the dark, six œuvres de Karol Beffa. Karine Deshayes, mezzo-soprano, Arnaud Thorette, violon, Emmanuel Ceysson, harpe, Karol Beffa, piano, Ensemble Contraste, direction musicale Johan Farjot. Enregistré en janvier-février 2013 au Temple Saint-Marcel, Paris. 1CD Aparté, AP108, 71 minutes