Elle est une des dernières légendes vivantes de l’art lyrique. Montserrat Caballe fête aujourd’hui 12 avril ses 80 ans, un anniversaire célébré par Decca à travers une compilation dont le label a le secret. Hétéroclite comme souvent mais qui, pour le coup, correspond bien au parcours vocal de la soprano espagnole. De Haendel à Massenet et Strauss en passant par tous les compositeurs ou presque de l’opéra italien, celle que ses admirateurs surnomment affectueusement Montsie a en effet embrassé un vaste répertoire, avec plus ou moins de bonheur mais avec cette voix immédiatement reconnaissable, qui est l’apanage des plus grand(e)s. Fiordiligi, Marguerite, Maddalena et pas mal d’autres : elles sont réunies dans cet hommage discographique intitulé sans beaucoup d’imagination, Vissi d’arte.
Qu’en dire qui n’ait pas déjà été abondamment commenté ? Que certains portraits ne feront pas l’unanimité : Marguerite des Huguenots d’abord, sauf à aimer une reine au française mâchonné et, plus surprenant, Amelia d’Un ballo in maschera entachée d’effets expressionnistes qui n’ont rien à faire dans ce répertoire. Même le « Suicidio » de Gioconda demanderait davantage de sobriété. « La barca s’avvicina », extrait du même opéra, présente en revanche une amoureuse éconduite, comme on n’avait pas connu depuis Callas et Cerquetti, les deux plus grandes titulaires du rôle. Luciano Pavarotti en Enzo et Agnes Baltsa en Laura sont des partenaires de haute volée, à l’image de la plupart des interprètes qui donnent ici la réplique à notre soprano désormais octogénaire. Citons José Carreras (Il Corsaro, Un ballo in maschera), Carlo Bergonzi (I masnadieri), Joan Sutherland (Norma), etc. Quelques ensembles glissés çà et là donnent à les apprécier.
A l’une des extrémités du programme, Fiordiligi, si inattendue soit-elle, ne peut laisser insensible tandis que de l’autre côté, Salomé comblera les amateurs de chair corrompue. Puccini, Donizetti, Bellini, Rossini offrent des prodiges de souffle et de sons, sculptés avec un art qui laisse plus d’une fois pantois. Mais c’est dans les Verdi de jeunesse, pourtant impitoyables vocalement, que Montserrat Caballe distance ses consœurs : Gulnara, Amelia d’I Masnadieri vêtues des pieds à la tête – du grave à l’aigu – d’étoffes aussi variées que splendide, et au sommet, « Padre, ricevi l’estremo addio » de Luisa Miller brodé de fils d’or. Joyeux anniversaire, Montsie ! [Christophe Rizoud]
Vissi d’arte, the magnificent voice of Montserrat Caballe – 2 CD Decca