Seuls les plus âgés se souviennent de Jakob Stämpfli, dont on apprend seulement la disparition, le 28 septembre dernier, à Thun. Sa voix de basse, chaleureuse et puissante, en aura enchanté plus d’un, étroitement liée à la diffusion de l’œuvre de Bach à partir de 1955, année de son premier enregistrement de l’Oratorio de Noël, avec le Thomanenchor et Günther Ramin. Durant sa longue carrière (il était né en 1934) il allait essentiellement servir le Cantor, comme on entre en religion. Avec humilité et noblesse, à une époque où envisager une intégrale de son œuvre aurait relevé de l’utopie ou de la démence, il allait inlassablement défricher et faire connaître au concert, mais surtout par le microsillon, l’œuvre vocale de Bach. Ainsi nous laisse-t-il plus de 100 cantates, tous les oratorios, les passions et les messes. Ses nombreux enregistrements lui valurent huit Grands prix du disque. Karl Ristenpart, Helmuth Rilling, Fritz Werner, Wolfgang Gönnenwein, August Wenzinger et combien d’autres ne l’ont-ils pas sollicité ? Parfois avec quelques incursions bienvenues dans l’œuvre de Haendel (Passion selon Brockes), de Schütz aussi. Frank Martin et Ansermet l’appelèrent pour leur enregistrement de « In terra pax » avec l’Orchestre de la Suisse Romande. La révolution baroque ne mit pas fin à sa carrière de chanteur et d’interprète de Bach : en 2007 il dirigeait la Messe en si mineur, avec dix chanteurs, ce qui suffit à démontrer combien il avait intégré les évolutions de l’interprétation. Les exécutions hiératiques, massives et doloristes qui avaient marqué ses débuts appartenaient dès lors à l’histoire.
A partir de 1960, il avait commencé à transmettre son savoir, à Biel tout d’abord, puis à Berne où il dirigea ensuite le Conservatoire, tout en enseignant simultanément à Sarrebrück et à Hambourg. Siegmund Niemsgern, Klaus Mertens, Cornelius Hauptmann lui sont certainement redevables d’une part de leur réussite.