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Un pionnier de la musique baroque qui fête ses 70 ans avec Stravinsky : vous l’aurez reconnu, il ne peut s’agir que de John Eliot Gardiner. Hier, 23 avril, devant une Salle Pleyel conquise, et face à un London Symphony Orchestra conforme à sa réputation d’excellence, le chef britannique a néanmoins choisi un Stravinsky regardant ostensiblement vers le passé. En préambule, Apollon musagète, ballet composé pour Balanchine à la fin des années 1920, retient les leçons de Lully et de Rameau, avec son effectif réduit et sa belle ouverture « à la française. » Après l’entracte, Oedipus Rex fait appel à un orchestre bien plus pléthorique, mais cherche, jusque dans les affres d’un latin de bric et de broc, à rencontrer une certaine tradition tragique. Quelques chaises, une poursuite, du maquillage : la version concertante annoncée s’est parée, pour l’occasion, d’un peu d’artifice scénique. Gidons Saks a toujours pour lui une présence fabuleuse et contre lui des graves écrasés, mais ce sont surtout l’Œdipe de Stuart Skelton et la Jocaste humaine trop humaine de Jennifer Johnston qui retiennent l’attention, sans que l’œil perde trop de vue les interventions de Fanny Ardant, diseuse d’un Cocteau sculptural. Last but not least, et comme on s’en doutait, le Monteverdi Choir fait merveille. Une bonne nouvelle : à 70 ans, John Eliot Gardiner n’a pas l’intention de céder une once de sa curiosité et de son énergie. Happy birthday ! [Clément Taillia]