Brève et belle carrière que celle de Rosanna Carteri. Née à Vérone le 14 décembre 1930, le soprano italien débute au concert dès l’âge de 14 ans. La chanteuse travaille sa voix avec Ferrucio Cusinati (avec lequel Maria Callas travailla certains de ses premiers rôles, dont son Isolde) et remporte un des concours de chant de la RAI en 1948. Ce prix lui ouvre la porte des Thermes de Caracalla, à Rome, où elle débute en Elsa de Lohengrin en 1949. La Scala l’accueille le 24 février 1951, pour le rôle-titre de Cecchina, o la buona figliola de Niccolò Piccini, dans une mise en scène d’un jeune homme promis à un bel avenir : Giorgio Strehler, puis l’année suivante dans une création contemporaine, Proserpina e lo Straniero du compositeur argentin Juan José Castro, encore avec Strehler, suivie quelques mois plus tard par la Nannetta de Falstaff dans une distribution exceptionnelle (Stabile, Tebaldi, Valetti, Elmo, de Sabata…). Au chapitre des créations auxquelles elle aura participé, on citera également Ifigenia (en concert à l’Auditorium de la RAI de Turin en 1950, puis en création scénique au Teatro Comunale de Florence en 1951) et Calzare d’argento (Teatro alla Scala, 1961) tous deux d’Ildebrando Pizzetti, Il mercante di Venezia de Mario Castelnuovo-Tedesco (Maggio Musicale Fiorentino, 1961), Il linguaggio dei fior de Renzo Rossellini (Piccola Scala, 1963) ! Elle participe également, en 1956, à la résurrection du Don Giovanni Tenorio o sia Il convitato di pietra… de Giuseppe Gazzaniga (un ouvrage créé à Venise en février 1787, cinq mois avant que Mozart ne commence la composition de son chef-d’œuvre). Carteri débute au Festival de Salzbourg en 1952 en Desdemona, face à l’Otello de Ramon Vinay et sous la direction de Mario Rossi. En 1954, elle est Mimi de La Bohème à San Francisco (rôle qu’elle reprend à Vérone pour ses débuts aux Arènes en 1958). En 1955, elle est la Marguerite de Faust à Chicago. Elle débute avec Tosca à Londres en 1960 et avec Violetta de La Traviata à Paris en 1961. Parallèlement, elle enregistre quelques disques pour la compagnie italienne Cetra : la version italienne de Guillaume Tell, La Bohème et Suor Angelica. Elle est également la Violetta de Pierre Monteux pour RCA aux côtés de Cesare Valletti et Leonard Warren. Elle enregistre des extraits de Roméo et Juliette avec Nicolaï Gedda sous la direction d’Alain Lombard. Belle femme, elle participe également à de nombreux opéras filmés pour la RAI (productions remarquables par leurs synchronisations systématiquement ratées) : Le Nozze di Figaro, La Traviata, Otello (avec Mario del Monaco), Falstaff. En 1966, à seulement 36 ans et en pleine possession de ses moyens, Rosanna Carteri abandonne la scène, déclarant (à la manière de Magda Olivero) vouloir se consacrer à sa famille. Depuis plusieurs années, elle ne chante d’ailleurs plus guère qu’en Italie. Elle reviendra fugitivement sur cet adieu en 1971 pour quelques rares apparitions, dont la dernière fois, le 5 novembre, pour un gala au profit de l’UNICEF, donné au Palazzo dello Sport de Turin, à l’occasion duquel elle chante un extrait de La Traviata. Rosanna Carteri disposait d’une belle voix lyrique, à la limite du spinto, au timbre pulpeux et sombre. Elle était appréciée du public, mais devait se confronter à des monstres sacrés tels que Callas et Tebaldi (ce qui explique peut-être la facilité avec laquelle elle aura accepté de chanter des créations mondiales sans lendemain, et son retrait précoce). Ses interprétations étaient empreintes de reflets véristes (comme chez beaucoup de ses contemporaines) ce qui lui permettait d’apporter davantage de profondeur à des rôles parfois confiés à des interprètes un peu pâles, comme on peut le voir dans ce magnifique air de Micaela au français presque parfait, où la fiancée de Don José n’est plus l’oie blanche qu’elle est trop souvent. Rosanna Carteri vivait en Principauté de Monaco.