A l’occasion de l’exposition L’Empire ottoman : le monde ottoman dans l’art de la Renaissance, BOZAR déplaçait les frontières perses et arabes en invitant l’Ensemble Lâmekân à venir présenter, ce 12 mai, sa nouvelle tournée – De Merâgî à Cantemir – un programme empli d’œuvres parfois inédites de compositeurs issus de la cour ottomane (XVe-XVIIIe s.) dont le célèbre orientaliste d’origine polonaise Ali Ufki, le prince de Moldavie Dimitrie Cantemir mais aussi Abdülkadir Merâgî et Hâfiz Post. Aboutissement tant attendu d’un projet musicologique belgo-turc, ce concert est une balançoire de musique instrumentale et vocale pendue au faîte de la tradition du maqâm (système musical ottoman). Dès la première note, le chanteur Ridvan Aydinli donne le ton et les rythmes (usul) qu’il tire des méandres hypnotiques de la prosodie perse et arabe culminant dans le ghazal ou gazel. Genre vocal persan par excellence, le gazel désigne le répertoire des chants d’amour de la poésie arabe du VIe siècle (dont le premier représentant d’envergure n’est autre que le poète Saadi). Ainsi, du chant naît la musique : voix soliste, roulements en crescendi du bendir virtuose et « polyphonies » de cordes desquelles se détache l’étincelante harpe turque (qanûn). Il revient alors à l’audacieuse Burcu Karadağ – première joueuse de ney* à avoir sorti un album solo – d’orner les plus infimes micro-intervalles à la cîme des amples glissandi typiquement persans rejoignant le souffle et l’intonation de la voix de tout un empire, celui des sultans de jadis.
* Flûte jouée en position oblique et dotée d’une embouchure en roseau. Ses plus anciennes représentations connues jusqu’alors ont été localisées sur des peintures en provenance de tombeaux égyptiens datant de l’époque des premières pyramides (IIIe millénaire ACN).