Dans le cadre du rapprochement a priori inattendu entre Jean-Sébastien Bach et Györgi Kurtág, la Cité de la Musique avait programmé quelques mélodies du compositeur hongrois. Pour les interpréter, on attendait initialement Natalia Zagorinskaïa, dédicataire et créatrice des Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova à Carnegie Hall en 2009, mais la soprano russe a dû céder la place à la Finnoise Anu Komsi, grande spécialiste du répertoire contemporain. Après avoir entendu (et avant de réentendre, en fin de deuxième partie) les transcriptions assez convenues de L’Art de la fugue par Ichiro Nodaïra, et les appropriations bien plus intéressantes par lesquelles Johannes Schöllhorn déconstruit Bach, tantôt jaillissantes et jubilatoires, tantôt recueillies et envoûtantes, on a donc pu goûter deux cycles de mélodies de Kurtág. D’abord Quatre Caprices, sur de très allusifs poèmes d’István Bálint : tandis que l’orchestre nous plonge dans un univers sonore dont on admire la bigarrure et le raffinement, la chanteuse est contrainte d’émettre des cris suraigus ou des râles dans l’extrême grave (l’œuvre fut composée en 1969, ceci explique peut-être cela). Après l’entracte, les Poèmes dans lesquels Akhmatova évoque trois autres grands poètes (Pouchkine, Blok et Mandelstam) proposent une tout autre atmosphère, beaucoup plus lyrique. Kurtág s’y montre plus soucieux d’intelligibilité, le texte n’est plus atomisé en syllabes disjointes, mais la prosodie est respectée, pour un résultat peut-être moins brillant mais plus méditatif. Présent dans la salle, le compositeur âgé de 86 ans est alors venu recueillir les chaleureuses acclamations du public. Le rapprochement Bach/Kurtág se poursuit jusqu’au 26 septembre, mais sans chant, hélas. [LB]
Jeudi 20 septembre, 20h, Johannes Schöllhorn/Johann Sebastian Bach : Anamorphoses, d’après L’Art de la fugue ; Johann Sebastian Bach/Ichiro Nodaïra : L’Art de la fugue ; György Kurtág : Quatre Caprices, op. 9, Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova, op. 41. Ensemble Intercontemporain, direction Patrick Davin. Paris, Cité de la Musique