Mordred, Cithéron à Paris ou, plus exposé, Sancho à Bordeaux et Guglielmo à Tours et Toulon, on savait Alexandre Duhamel (bon) chanteur d’opéra, on ignorait qu’il fût doué pour la mélodie française. Il ne suffit pas, en effet, d’une grande et belle voix pour satisfaire aux exigences d’un répertoire entre tous délicat. La prononciation, le sens du texte, c’est-à-dire un rapport intime avec les mots, l’art de la nuance sont ici plus nécessaires qu’un volume ou une longueur supérieures à la moyenne. Invité par la violoncelliste Camille Thomas et le pianiste Julien Libeer à se joindre au concert organisé hier, lundi 17 octobre, à Paris, pour la sortie de leur album Réminiscence, ce sont ces qualités qu’a démontrées le baryton le temps de trois melodies*, quatre si l’on compte « Après un rêve » offert en bis, de plus en plus à l’aise au fil de ces pages connues qu’il prend le parti d’effeuiller sans affectation, d’un geste naturel qui ne rend que plus éloquente l’association subtile des poèmes et de la musique. Cette échappée vocale formait une respiration bienvenue au sein d’une soirée par ailleurs entièrement tournée vers le dialogue entre les deux instrumentistes. Portée par leur interprétation fusionnelle, l’on a découvert, étonné et ému, que la sonate de Franck pouvait dispenser autant de sortilèges dans sa transcription pour violoncelle que dans sa version originale pour violon. Si Proust l’avait su, la sonate de Vinteuil en aurait été transformée.
* Henri Duparc, « L’invitation au voyage » ; Jules Massenet, « Elégie » ; Gabriel Fauré, « Les Berceaux »