À l’Auditorium de Lyon, vendredi dernier 14 mars, Yutaka Sado dirigeait avec une précision d’orfèvre l’Orchestre National de Lyon et les 250 choristes coordonnés par le chef de chœur Nicole Corti pour des Carmina Burana de Carl Orff d’une clarté exceptionnelle. Transparence des timbres, équilibre des voix, contrastes saisissants, poésie et parodie, tout concourait à créer par la seule grâce du souffle et du son ces « images magiques » expressément requises par le compositeur dans le sous-titre de l’œuvre. D’emblée, le choc, conforme à l’intention du texte chantant la versatilité de la Fortune, mais aussi la douceur du printemps et des amours, nuances perceptibles grâce à la qualité des percussions, la virtuosité des cordes, le lyrisme de la flûte, la justesse des cuivres. Instrumentistes et choristes sont apparus soudés dans un ensemble impressionnant.
Le baryton norvégien Audun Iversen, dont la voix semble d’abord s’éveiller lentement dans son premier air, « Omnia Sol temperat », est capable justement d’exprimer la vaillance et la fragilité : la qualité de la projection s’allie à un sens du verbe, la voix est souple et charpentée à la fois. Apportant une note d’humour burlesque dans le cadre imposant du majestueux ensemble vocal et orchestral, l’excellent ténor irlandais Robin Tritschler compose un cygne d’un grand raffinement vocal (« Olim lacus colueram »), contrastant avec son entrée claudicante en scène, s’offrant même le luxe de s’affaler sur un musicien avant de commencer son air. La troisième soliste, la bien nommée Rosa Feola, met sa voix d’une grande pureté au service des pages les plus lyriques de la partition, suscitant une émotion qui atteint à un sommet dans le superbe « Dulcissime ».
Comme la vie gouvernée par la Fortune changeante, tout semble passer trop vite, mais les images sonores se gravent, vives et incisives, dans la mémoire auditive du public qui applaudit longuement les artistes. [Fabrice Malkani]
Carl Orff, Carmina Burana. Auditorium de Lyon, vendredi 14 mars, 20h00