En cette année de commémoration du 500e anniversaire de la Réforme, dont Luther représente la figure tutélaire, les enregistrements se succèdent, permettant d’illustrer les multiples facettes de sa traduction musicale. Rappelons pour mémoire l’excellent et somptueux volume édité par Ricercar (lumiere-de-la-reforme) , propre à satisfaire le curieux comme le spécialiste. Parait maintenant ce CD, dont l’intitulé – Reformation – est quelque peu fallacieux, puisque seuls le luthérianisme germanique et l’anglicanisme sont représentés, à l’exclusion de la riche floraison du calvinisme français (Goudimel, Le Jeune etc.).
Les interprètes anglais, à l’exception de John Elliot Gardiner, se tournent assez rarement vers l’œuvre de Bach et de la Réforme luthérienne, sans doute pour des raisons culturelles, linguistiques et confessionnelles. Aussi, n’est-ce pas sans un certain scepticisme que l’on aborde cet enregistrement. Bien vite, toutes nos appréhensions s’effondrent pour se muer en une admiration dépourvue de la moindre réserve : le bonheur est au rendez-vous.
Le programme fait alterner des chorals, dans leur version première (Luther, Crüger, Neumark…) et dans une œuvre emblématique générée par chacun d’eux. Ainsi deux cantates de Bach, dont la célèbre « Ein feste Burg », de circonstance, celle de Mendelssohn « Wer nur den lieben Gott lässt walten », puis « Warum ist das Licht gegeben » de Brahms. Une splendide découverte pour conclure : le motet pour chœur, demi-chœur et orgue de Ralph Vaughan Williams « Lord, Thou hast been our refuge ». Le compositeur, qui avait longtemps dirigé le Bach Choir, y fait montre de toutes les qualités d’écriture qu’on lui connaît.
Jubilatoire, sans pompe ni lourdeur, résolu, délié, tout en souplesse et dynamique, l’enregistrement respire la joie, la confiance, l’enthousiasme. La direction de Graham Ross est exemplaire, sachant modeler de superbes phrasés, transmettre une énergie bondissante. Le choeur, servi par des voix jeunes, parfaitement réglées, est admirable de rayonnement. Les solistes (Mary Bevan, Robin Blaze, Nicholas Mulroy, Neal Davies), dont il faut chercher le nom, à l’égal de bien des chanteurs connus, se tirent parfaitement d’affaire, imprégnés de l’esprit qui présidait au temps de Bach. L’orchestre, animé de cette même énergie jubilatoire n’appelle que des éloges.
Une plaquette sérieusement documentée, avec les textes chantés et leur traduction, accompagne le CD.