Der Schauspieldirektor fut écrit par Wolfgang Amadeus Mozart alors qu’il venait de passer les trente ans. La partition, très courte, comporte une ouverture et quatre numéros vocaux seulement : un air pour chacune des deux sopranos, un trio (les mêmes accompagnées du ténor), un ensemble final (avec le baryton). L’ouvrage fut composé à l’occasion d’une compétition musicale organisée en 1786 par l’Empereur Joseph à Vienne. Le facétieux souverain voulait mettre en compétition un singspiel (genre musical allemand proche de l’opéra-comique français, avec d’importants dialogues) et un opéra italien. Pour cette même occasion, Antonio Salieri composa l’opera buffa : Prima la musica, poi le parole. Les deux ouvrages furent données à l’Orangerie de Schönbrunn, et sur des scènes symétriquement opposées, les auditeurs étant attablés au centre : des chanteurs allemands défendaient l’ouvrage de Mozart, une troupe italienne (où l’on note la présence de Nancy Storace, future créatrice de la Susanna des Nozze di Figaro), celui de Salieri. Les deux ouvrages sont assez rarement donnés de nos jours, et encore moins ensemble. Pour l’anecdote, en 1991, Natalie Dessay intepréta le rôle de Mme Herz et de Zaide dans une production à l’Amphithéâtre Bastille mélangeant les deux partitions (Zaide est également un singspiel mozartien inachevé, composé en 1780).
Pour le présent enregistrement, l’ouvrage a été traduit en anglais, rebaptisé The Impresario, et les dialogues modernisés par Dory Previn, l’épouse à l’époque du chef André Previn. Passé le choc de la langue anglaise, cet enregistrement, bien antérieur à la « révolution baroque » et à tout ce que l’on a pu apprendre sur l’exécution des ouvrages du XVIIIe, est une bonne surprise. Le chef américain dirige ici l’English Chamber Orchestra d’une belle vivacité, nerveux mais avec ce qu’il faut de corps. Le tempo est vif et l’exécution musicale d’une joyeuse légèreté. Dans un rôle farci de vocalises et de contre-notes, Reri Grist est idéale. Le timbre n’est pas très consistant, mais sa maîtrise technique alliée à un évident plaisir de chanter, emportent l’adhésion. Judith Raskin est moins convaincante : la voix manque un peu de souplesse et le timbre sonne vieilli alors que la chanteuse n’avait pas passé la quarantaine à l’époque de l’enregistrement. Très peu connu de ce côté-ci de la Manche, l’excellent ténor Richard Lewis (anglais d’origine galloise), qui s’illustra dans Haendel comme dans l’opéra contemporain, est magnifique de style et très bon diseur. Sous employé, Sherrill Milnes fait ici de la figuration intelligente… mais il la fait intelligemment : le texte est bien interprété et le peu de chant nous est offert avec une impeccable musicalité mozartienne. L’acteur australien Leo McKern campe avec talent un impresario bonhomme dépassé par les événements.