À l’occasion des 190 ans de sa création, voici l’épisode d’Un jour, une création, que nous lui avions consacré voici quelques années. Tanti auguri Amina !
Une fois de plus, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Après le triomphe de ses Capuletti e i Montecchi à Venise, le 11 mars 1830, Vincenzo Bellini, surmené et malade, se retire près de Crémone et refuse d’entendre parler de quoi que ce soit. Il n’a pas 30 ans et se verrait presque à la retraite, pire encore que Rossini.
Mais comme avec « il caro signor Fontana » dans le futur Falstaff de Verdi, le bruit de l’or le sort de sa déprime. Les riches propriétaires du Teatro Carcano de Milan, qui rêvent de damer le pion à la Scala, lui offrent une fortune pour qu’il écrive un nouvel opéra qui mettrait en scène la légendaire Giuditta Pasta. Bellini se met donc à travailler à l’adaptation par le librettiste Romani du très récent et déjà célèbre Hernani de Victor Hugo. Mais la peur de la censure l’oriente vers un thème totalement différent. Romani, véritable caméléon passe en effet sans barguigner des affres hugoliens à la légèreté de la pièce de Scribe et Delavigne, La Somnambule, créée à Paris une dizaine d’années plus tôt. Le fait que ce sujet soit très éloigné, y compris dans sa dramaturgie, de la nouvelle œuvre que Donizetti achevait au même moment (Anna Bolena) n’est évidemment pas fortuite, Bellini supportant mal la concurrence. Ce dernier, saisi d’une véritable fièvre inspiratrice et reprenant les pages déjà écrites pour Hernani, boucle la partition en moins de 2 mois.
Emmenée par une Giuditta Pasta solaire, la création du 6 mars 1831 est un triomphe mémorable, qui ne tardera pas à faire le tour du monde lyrique et à projeter bientôt sur le devant de la scène une autre étoile du chant, la Malibran. 124 ans plus tard, presque jour pour jour, une autre soirée historique, à la Scala cette fois, met en valeur une autre légende dont on peut ne pas apprécier la voix (mais quelle technique !), et dont Amina fut l’un des rôle fêtiches, Maria Callas. Dans la fosse, un Leonard Bernstein électrisé dirige l’orchestre à 100 à l’heure et le public milanais n’est pas loin de casser les fauteuils pour l’air conclusif du happy end de la Sonnambula.