Forum Opéra

12 mai 1871 : Auber arrive à son terminus

Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Zapping
12 mai 2021
12 mai 1871 : Auber arrive à son terminus

Infos sur l’œuvre

Détails

C’est un bien triste tour que va jouer la postérité à celui qui est, au moment de sa mort, l’un des musiciens les plus célèbres et les plus respectés de son temps. Daniel-François-Esprit Auber n’est plus aujourd’hui  qu’un nom de station de RER derrière l’opéra, dont l’importance ne masque pas l’oxymore : à cause d’elle, il est connu de tous et de personne. Auber est un célèbre oublié.

Lorsqu’il meurt au 22 rue Saint-Georges, dans le IXe arrondissement de Paris, il a 89 ans, un âge véritablement miraculeux pour l’époque. Dans sa chambre du premier étage, il y a parmi les proches qui se trouvent auprès du maître, Ambroise Thomas. Auber l’avait engagé comme professeur de composition au Conservatoire, dont il est encore le directeur et à qui Thomas succèdera bientôt. Voici presque 30 ans qu’Auber y avait lui-même remplacé un autre canonique, Luigi Cherubini. Son amabilité, qui tranchait avec l’affreux caractère du Florentin, avait eu l’avantage de ne pas lui créer trop d’ennemis, d’autant qu’il n’avait pas provoqué la moindre révolution au sein de l’institution. Pourquoi aurait-il eu besoin de le faire : sa popularité était telle en 1842, lors de sa nomination, qu’on raconte que le roi n’avait eu qu’à ratifier la vox populi sans discuter. Auber vivait depuis sur cette rente sans faire de bruit. On ne s’étonnera pas, cependant, qu’il y ait privilégié l’enseignement de l’art vocal et l’accompagnement orchestral de ce dernier. Après tout, l’opéra est roi à cette époque. 

Si le prestige d’Auber n’avait pas faibli durant ces années, c’est qu’il reposait sur la gloire des ses œuvres les plus populaires co-écrites avec son librettiste fétiche, Eugène Scribe. LE librettiste de la place de Paris pourrait-on dire et qui était mort 10 ans auparavant. Ils avaient conquis Paris. Depuis, sans son complice, rien n’était plus pareil pour Auber. Après leur dernière œuvre commune, la Circassienne, créée en 1861, le compositeur n’avait plus écrit que 3 opéras comiques. Et de toute façon, il n’était plus à la mode. Sa musique, jugée légère voire facile, convenait moins à l’époque des grands mélodrames. On lui savait encore gré, pourtant, d’avoir donné ses dernières lettres de noblesse au genre hérité de Grétry et de Hérold, mais l’avenir n’était plus pour lui.

Peut-être que ce 12 mai 1871, lui dont l’esprit est resté d’une grande vivacité pense-t-il entre deux échos de canonnades à ce monde qui s’effondre avec lui. L’armée versaillaise est à Issy. La guerre civile l’environne. Mais peut-il s’en étonner, lui, le parisien acharné dont on dit qu’il n’a jamais quitté la capitale, et qui y a vu durant toute sa vie tant de barricades et de fracas ? La Commune de Paris avait pris soin de ne pas congédier le Grand-Officier de la Légion d’honneur et ancien Maître de la Chapelle impériale, alors à bout de forces. Il ne verrait pas qu’elle allait s’empresser de nommer, le jour même de ses funérailles furtives au Père Lachaise, un successeur plus conforme à ses orientations politiques et culturelles au seuil de la Semaine sanglante.

Rêve d’amour aura donc été la dernière des 48 œuvres lyriques léguées par celui qu’il faut continuer à considérer comme un monument de la musique française de la première moitié du XIXe siècle. Créé en 1869, cet ultime opéra-comique conserve les mêmes recettes appliquées par Auber pendant 60 ans et qui avaient connu leur heure de gloire. Sic transit gloria mundi… Il est bien regrettable que le temps ait si mal traité le reste de son œuvre, dans laquelle brillent de vrais joyaux remis bien trop rarement à l’affiche, comme La muette de PorticiFra Diavolole Domino Noir, le Cheval de bronze, Gustave III et tant d’autres. Encore tout un répertoire à redécouvrir ! Qui sait, l’heure d’Auber reviendra peut-être et l’on se souviendra que son nom n’orne pas seulement les murs sales et blafards d’un souterrain, mais aussi, sous un buste sévère, la majestueuse façade du Palais Garnier, en lettres d’or.

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.
12 mai 1871 : Auber arrive à son terminus

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Un jour, une création : 7 avril 1923, mettez donc un peu de Ciboulette dans votre opérette.

Un jour, une création : 7 avril 1923, mettez donc un peu de Ciboulette dans votre opérette.
Zapping

Un jour, une création : 6 mars 1853, une Traviata, mais laquelle ?…

Zapping

Un jour, une création : 4 mars 1913, la noble broderie de Fauré…

Zapping

Un jour, une création : 27 février 1833, quand un opéra en masque un autre…

Zapping