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Fra Diavolo — Liège

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Spectacle
2 mai 2009
Pour un Fra qui va à vau-l’eau

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra comique en 3 actes, livret d’Eugène Scribe
Créé à l’Opéra Comique, le 28 janvier 1830

Détails

Fra Diavolo : Kenneth Tarver Zerline : Sumi Jo Lorenzo : Antonio Figueroa Lady Pamela : Doris Lamprecht Lord Cockburn : Marc Molomot Mathéo : Vincent Pavesi Giacomo : Thomas Dolié Beppo : Thomas Morris Nouvelle coproduction Opéra Comique & Opéra Royal de Wallonie Mise en scène : Jérôme Deschamps Costumes : Thibaut Welchlin Décors : Laurent Peduzzi Lumières : Rémi Nicolas Orchestre & Chœurs de l’ORW Direction : Jean-Claude Malgoire Liège, ORW, dernière représentation du samedi 2 mai 2009

Parce qu’entendre Auber n’est pas plaisir saisonnier et pour la joie de réentendre la plus psychédélique des Prime Donne, nous avons assisté à la dernière représentation de Fra Diavolo. Pour cause de travaux devenus indispensables, cette soirée marquait les au-revoir pour deux ans, au théâtre italien de l’ORW. Sans espérer une coupe de champagne, nous nous attendions à une démonstration un peu plus chaleureuse du Directeur Général. N’y avait-il rien de plus festif à offrir que l’expéditif message de bonimenteur avec son couplet du n’omettez point de renouveler vos abonnements ? La crise n’excuse pas tout…

Coproduction avec l’Opéra Comique (lire le compte-rendu de François Lesueur), le projet initial, pour la malchance de l’ORW, a vu quelques modifications de taille. Exit le Cercle de l’Harmonie, Les Eléments et Jérémie Rhorer. Bonjour l’Orchestre et les Chœurs maison, ainsi qu’un Jean-Claude Malgoire venu se perdre en cité mosane… La présence du chef de l’Atelier Lyrique de Tourcoing demeurera une des grandes énigmes de notre vie de chroniqueur. Ces remplacements vont changer la donne en profondeur. Que reste t-il du projet artistique ? A l’image de Trenet, nous le cherchons toujours.

 

Il n’est pas certain que Jérôme Deschamps se soit déplacé in situ pour superviser cette reprise qui, à quelques mois d’intervalle, s’est méchamment déboulonnée. Cela sent à plein nez le spectacle type confié à un laborieux assistant bardé de cahiers de notes. L’information que ce spectacle eut les honneurs de la capitale française ne nous sauve guère d’une impression persistante. Un gentil spectacle disposant de peu de moyens et où aucun imaginaire fécond ne vient pallier ce manque matériel. Quitte d’une amputation patronymique, ce pauvre Daniel-François Auber y perd bien son esprit. Décors banals, éclairages de fancy fair, quelques accessoires aimables, des costumes d’une certaine dignité, visuellement, la messe est dite. Homme de théâtre ayant à maintes reprises, prouvé son originalité, Deschamps n’a pas la moindre idée de ce que représentait la forme musicale si particulière de l’opéra comique avec ses codes d’écriture, sa primauté vocale héritée d’une certaine école italienne, son inspiration assumée du génial Pesarese, enfin, le goût du public bourgeois auquel ce type d’œuvre était adressé. Auber n’est pas une comédie de boulevard et Offenbach est encore bien loin. L’éternel débat d’un metteur en scène sans doute mélomane, mais point musicien. Au final, des moments agréables ici et là, mais, une banalité paresseuse prime.

 

Nous avons le plus grand respect pour le pionnier infatigable qu’est Jean-Claude Malgoire. Mais bon Dieu, qu’est-il venu s’embarquer dans cette galère royale ? Aux prises avec un orchestre qui ne saisit pas un instant sa battue (il ne sera pas le seul…), le chef va plonger son pileux faciès dans une partition à peine dépoussiérée pour en ressortir au zimboum final. Le manque de communication entre la formation et son chef s’est avéré, du deuxième rang de parterre, une expérience surréaliste. Chacun dans son coin, rendez-vous au tas de sable. L’orchestre brille une fois encore par une mauvaise volonté patente de sortir d’un cadre syndical de prestation. Inutile d’énoncer les subtilités rythmiques auxquelles nous eûmes droit, lors des marches militaires émaillant la partition à grand coup de mailloche. Une fois encore, tous nos encouragements au Maestro Arrivabeni pour l’ampleur de la tâche qui l’attend. Dans ce sillage haut en couleurs, les chœurs sont responsables, malheureusement à leur insu, de nombreux fous-rires. Entre les dégaines impossibles alla Yolande Moreau des pupitres féminins et le jeu de scène des ténors estimant que ce que leur demande la partition est indigne de leur talent, la fête de la tarte à la crème n’est pas loin. Tristement, depuis quelques saisons, on ne peut que souligner le net recul de ces deux outils maison, indispensables à la réussite d’un spectacle…

 

Livré à lui-même, à son métier et au souvenir plus ou moins vivace des représentations parisiennes, le plateau vocal laisse une impression mitigée. Thomas Dolié (Giacomo) et Thomas Morris (Beppo), composent les truculents acolytes du Fra. Si scéniquement, ils peuvent recevoir une bénédiction, il ne sera guère question d’absolution pour la frugalité de leur technique vocale, reflétant désespérément combien l’enseignement supérieur français peine toujours autant à former des premiers plans. Même constat pour le sympathique Mathéo de Vincent Pavesi, d’un paternalisme monolithique, régional et ayant maille à partir avec la battue du chef.

 

Même si ses recettes manient davantage la grosse louche que la petite cuiller, la cuisine de Doris Lamprecht (Lady Pamela) recèle une certaine saveur. On salue néanmoins une des plus effroyables prestations vocales que nous ayons eu l’opportunité d’entendre, depuis la déclaration de guerre des Etats-Unis en la personne de madame Krull. Marc Molomot (Lord Cockburn) remplit à satiété sa tâche. Son Lord lorgne sans doute un peu trop du côté du Général Boum, mais, on lui doit quelques moments agréables. Découverte déconvenue du apparemment très jeune Antonio Figueroa (Lorenzo). Beau physique, visage de jeune premier, mais, un ramage ne se rapportant guère au plumage. Moment charnière entre la fin de ses études et les premiers apprentissages professionnels ? Laissons-lui le bénéfice du doute. Néanmoins, il semble urgent que ce gentil ténor réalise combien les violences qu’il fait subir à son instrument, le prive totalement d’une quelconque projection, tout en nous infligeant des sonorités d’une parfaite laideur à défaut de justesse. L’acteur ne sortant pas du studio homonyme, il y a du pain sur les planches…

 

Première rencontre avec le ténor américain, Kenneth Tarver. Une fois encore, l’évidence d’une école. Il croque à bien belles dents, un Fra diablement séducteur. Panache, encanaillement, on tombe avec bonheur dans l’embuscade pleine de charme de ce détrousseur de grand chemin. Vocalement, Tarver est un bel artiste, remarquable surtout dans la conduite intelligente et stylée de ses moyens. Ceux-ci définissent un haendélien et plus encore, un mozartien qu’un véritable ténor contraltino. Pour nous, il ne l’est ni par nature, ni par goût, ni par formation, n’en déplaisent aux partitions rossiniennes fleurissant sur son curriculum. Auber rend un vibrant hommage à Gioacchino dans ses deux rôles principaux. Le pont entre Fra Diavolo et Le Comte Ory est une évidence. C’est bien cette pointure que réclame le rôle titre dans son insolence, mais aussi, dans sa nécessité de chic français. Seul Rockwell Blake a pu, en son temps, en invoquer pleinement le souvenir, notamment dans son approche de Georges Brown (La Dame Blanche de Boieldieu) ou son récital Airs Français à chérir à deux genoux. Actuellement, s’il faisait montre d’une autre imagination, Florez pourrait incarner un Fra judicieux. Plus encore, Lawrence Brownlee disposant de moyens autrement chatoyants et musicaux, définirait l’idéal de Diavolo. Pour revenir à Kenneth Tarver, on regrettera donc simplement, un léger manque d’envergure et de crânerie vocale, ici de bon aloi.

 

L’heure où Sumi Jo jouissait du statut enviable de véritable coqueluche, notamment en France, est désormais bien loin. Ses apparitions en Europe sont rares, scéniquement encore plus. Le public liégeois raffole des noms, même quelque peu délavés. Mazzonis l’a parfaitement compris. C’est dans les derniers feux de cette aura que la soprano coréenne s’avance sur la scène de l’ORW. Cela ne lui ôte en rien, l’immédiate affection que l’on ne peut réfréner pour celle qui campe, plus de vingt ans après ses débuts, la toujours crédible adolescente qu’est sa Zerline. Sa composition scénique est une source fraîche et rieuse, spumante comme le vin léger de l’Italie de pacotille où se déroule notre action. Sa verve comique est une surprenante découverte. Nous avions quitté Sumi Jo sur un concert de I Puritani. Sur papier, nous vous aurions fichu notre billet que la partition d’Auber semblait autrement indiquée que le Bellini. Curieuse pour ne pas dire cruelle constatation. A plus d’un titre, Zerline la prend de court. Dans les dimensions pourtant idéales de Liège, également réputé pour son acoustique flatteuse, on tend, des premiers rangs de parterre, une oreille désespérée pendant toute la première partie. Information prise auprès d’amis sur les cimes, c’était encore pire… La voix éteinte, sonne creuse et sourde jusqu’au sol aigu. Comme dirait Adèle de Formoutiers, c’est beaucoup ! Recentrant ses forces, elle apparaît sous un jour plus radieux, lors de la superbe scène de bravoure du II. On y retrouve un certain nombre des qualités qui ont fait son succès, beauté indéniable d’un timbre, couleurs touchantes, cette virtuosité de canari parfaitement assumée. Plus que du Auber, on y retrouve le numéro de la Jo qui fonctionne bon an, mal an auprès du public dont le cœur ne lui tient pas rigueur d’une diction aléatoire (sauf dans des récits d’une rare efficacité) et d’un suraigu possédant désormais le tranchant émoussé d’un hara-kiri. On pardonne volontiers à Sumi, sa personnalité généreuse et sa musicalité offrant tellement plus que ces quelques broutilles.

 

Un bien beau succès collégial, c’est déjà beaucoup. Distribuer Auber à Liège était une vraie bonne idée. Dommage d’être passé à côté de son véritable visage, possédant dans les traits, une toute autre finesse…

 

 

Notes :

 

Pour une écoute légale de Fra Diavolo peu ou mal servi au disque, la version française vieillissante avec Gedda et Mesplé ou la version musicalement plus enlevée, mais en italien, d’un Maestro Zedda idéal : http://www.musicme.com/#/Daniel-Francois-Esprit-Auber/compilations/Fra-Diavolo-0639842726627-02.html

Sumi Jo à son meilleur : http://www.musicme.com/#/Sumi-Jo/albums/Carnaval!-French-Coloratura-Arias-0028944067927.html ou http://www.musicme.com/#/Sumi-Jo/albums/Only-Love-0685738024124.html

Rockwell Blake Airs Français : http://www.musicme.com/#/Rockwell-Blake/albums/Airs-Operas-Francais-0724355505828.html

 

 

Vos avis

 

Je trouve un peu dommage, regrettable et navrant que monsieur Ponthir, d’habitude si brillant -quoi que dandaine sur les bords- émette un avis technique quant aux prestations de Thomas Morris et de Thomas Dolié. Ces deux gaillards s’illustrant ici dans des rôles de caractère dont la seule prédisposition technique requise est l’utilisation virtuose du grognement. Il est des emplois dans le théâtre lyrique qui permettent un certain relâchement quand la scène invite à la gaudriole généralisée. Il est aussi de bon ton, dernièrement, de pigouiller la technique de chant française, croque-mitaine des villes qui n’existe virtuellement pas tant le nombre d’écoles de la voix en France sont nombreuses, disparates et bigarrées. Monsieur Ponthir perd ici une belle occasion de bagouler et gagnerait à se désabrier de ses préjugés d’enseignant belge. Nous prendrait-il la fantaisie de juger de la technique de Luciano Pavarotti dans « Funniculi Funnicula » ? Ou de celle, intacte, de Natalie Dessay alors qu’elle pousse la chansonnette adossée au piano virtuose de Michel Legrand (à chercher sur Youtube) ? Non. Monsieur Ponthir ferait mieux de s’émoyer avant de grafigner la belle jeunesse qui s’esbaudit sur nos planches. Je trouve ici sa rhétorique pour le moins flagassante*. 
Camille

* (adj : tellement gras que ça retombe en plis comme la chair d’un éléphant; mollasse)

 

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