George Gershwin (1898-1937)
Porgy and Bess
Opéra en trois actes
Livret de Ira Gershwin et de Edwin DuBose Heyward,
basé sur la nouvelle de Edwin DuBose Heyward, Porgy (1925)
Créé le 30 septembre 1935 à Boston
Mise en scène : Francesca Zambello
Assistant à la mise en scène : Rita D’Angelo Tikador
Décors : Peter J. Davison
Costumes : Paul Tazewell
Lumières : Mark McCullough
Chorégraphie : Denni Sayers
Bess : Laquita Mitchell
Porgy : Eric Owens
Sportin’ Life : Chauncey Packer
Crown : Lester Lynch
Clara : Angel Blue
Serena : Karen Slack
Maria : Alteouise deVaughn
Jake : Eric Greene
Mingo : Michael Bragg
Annie : Malesha Jessie
Strawberry Woman : Samantha McElhaney
Lily : Amber Mercomes
Robbins : Michael Austin
Crab Man : Ashley Faatoalia
Peter : Calvin Lee
Nelson : Frederick Matthews
Jim: Earl Hazell
Frazier : Kenneth Overton
Undertaker : Darren K. Stokes
Detective : Richard Farrell
Policeman : Louis Landman
Coroner : John Minágro
Ensemble: Porgy and Bess Ensemble
San Francisco Opera Orchestra and Chorus
Chef des Chœurs : Ian Robertson
Direction musicale : John DeMain
San Francisco, le 24 juin 2009
Idéal à sa manière
Réunir une vingtaine de chanteurs avec la voix et le physique des rôles est une des premières prouesses du Porgy and Bess présenté par l’Opéra de San Francisco, même si l’exploit semble plus facile aux Etats-Unis qu’ailleurs. N’oublions pas : Yes, we can ! Une affiche de cette longueur relève, avant toute performance individuelle, de l’esprit de troupe. On sent chez les artistes réunis ici une cohésion, une même culture et, de fait, on entend des sonorités puissantes nourries de jazz et de gospel autant que d’art lyrique, avec – revers de la médaille – un certain manque de contours dans les ensembles.
Au-delà de l’effet collectif, chacun, à un moment ou un autre, tire son épingle du jeu. Certains de manière attendue – comment résister à la mélodie de « Summertimes » surtout quand elle est caressée par Angel Blue (le nom de la chanteuse même est porteur de promesses), au « My man’s gone now » sauvage de Karen Slack (Serena) ou au swing diabolique de Chauncey Packer (Sportin’ Life) – d’autres de façon plus surprenante : Ashley Faatoalia en Crab Man et Samantha McElhaney en Strawberry Woman font délirer la salle (les américains de la côte Ouest ont le bravo plus facile que les européens).
A côté de ces chanteurs « à numéro », Laquita Mitchell, qui fit ses armes en Clara (à l’Opéra Comique en 2007 notamment), incarne à présent une Bess très « chatte sur un toit brûlant », bien moins fille paumée que femme fatale à la silhouette classée X, au médium corsé et à l’aigu radieux. Eric Owens met un peu plus de temps à entrer dans le personnage de Porgy mais trouve le ton à partir d’un « I got plenty o’ nuttin » joyeusement débonnaire. La voix large mais mate correspond bien à la virilité tendre et blessée du rôle. Elle le place en retrait – et en toute logique – du Crown de Lester Lynch, l’autre baryton, brutal et conquérant, dont le duo avec Bess au II est un des moments les plus intenses de la soirée.
John DeMain, à la tête d’un San Francisco Opera Orchestra dans son élément, propose une lecture lyrique (par opposition à symphonique), très proche de l’action. L’absence de scintillement tire définitivement la partition vers l’opéra plutôt que vers la comédie musicale. La question de savoir à quel genre appartient Porgy and Bess ne se pose plus depuis 1976, date à laquelle John DeMain précisément présenta l’œuvre dans sa version intégrale. Bien que Gershwin ait échoué dans sa volonté de fusionner les musiques traditionnelle et folklorique, son unique opéra en est bien un. Le seul reproche qu’on pourra faire à Francesca Zambello est de l’oublier. Sa mise en scène lorgne plus souvent du côté de Broadway que de la Caroline du Nord avec des options qui frisent le cliché. Le résultat n’en demeure pas moins d’une efficacité remarquable : décor intelligent – un dispositif refermé sur lui-même, à mi chemin entre le hangar et la prison, qui symbolise le ghetto et dont les parois ne se soulèveront qu’à la toute fin lorsque Porgy décidera de rejoindre Bess à New York – ; scénographie réglée au cordeau – et Dieu sait si l’opéra comporte de multiples scènes de foules, certaines pas évidentes à représenter d’ailleurs – ; lumières ; chorégraphie… Rien n’est le fruit du hasard. C’est bien l’histoire de Porgy and Bess, telle que l’a voulue Gershwin, celle d’une Amérique qui se délite, violente sur fond de sang et de drogue. Le parti pris se veut plus illustratif qu’interprétatif mais l’œuvre laisse-t-elle vraiment le choix ?
Christophe Rizoud
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