Le Théâtre des Champs-Elysées ouvre sa saison lyrique avec un doublé dû aux talents conjugués de Kurt Weill et de Bertolt Brecht. Le premier ouvrage est la mouture originale de ce qui deviendra plus tard l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny. On y retrouve le squelette dramaturgique et quelques thèmes musicaux de la version définitive.
Plus de quatre-vingts ans après la création, on appréciera l’audace et l’inventivité de le forme dramaturgique et l’originalité du sujet traité. Au-delà de l’intérêt historique cependant, ce court ouvrage a du mal à retenir l’attention, d’autant que la mise en scène de Juliette Deschamps se contente d’être sobrement illustrative dans des décors encore plus sobres de Nelson Wilmotte. Rien qui ne vienne redonner une certaine actualité à une vision un peu daté de la « Ville-dont-on-pense-qu’on-y-sera-plus-heureux-mais-finalement-non-mon-pauv’monsieur ».
Le décor de Mahagonny se limite à un rideau, quelques planches et une courte projection : Les sept péchés capitaux bénéficient d’un traitement dramaturgique à peine plus généreux. On a rajouté quelques bancs colorés qui rappellent le dépouillement de Peter Brook pour son Don Giovanni aixois, le travail sur les acteurs en moins.
Le spectacle enchaîne directement les deux parties, sans entracte, ce que ne justifie effectivement pas la longueur des deux ouvrages (1 heure 10 de musique, c’est tout de même bien court pour une soirée lyrique !).
Fort heureusement, l’ouvrage est défendu par une très bonne équipe de chanteurs, en particulier l’excellente Catherine Hunold, sans parler de la star de la soirée, Angelika Kirchschlager. Tenant l’œuvre à bout de bras, la mezzo-soprano est tout simplement épatante dans un rôle qui demande de l’abattage, mais surtout une capacité à se livrer au parlé-chanté, voire à chanter « mal ». Elle ne se hisse pas toutefois au niveau des spécialistes de ce répertoire (on citera Milva à l’Opéra-Comique en 1983).
A la tête de l’Ensemble Modern, Jérémie Rhorer ne confirme pas les promesses de son Infedelta delusa mais plutôt certains défauts, en particulier une tendance à couvrir le plateau. Souvent l’orchestre déploie une sonorité de fanfare là où l’on attendrait plutôt des rythmes de jazz. Les passages plus franchement mélancoliques sont en revanche très bien exécutés.
Au global, une soirée qui reste agréable pour ceux qui apprécient la musique trop rarement jouée de Kurt Weill.