Giacomo PUCCINI (1858-1924)
MANON LESCAUT
Opéra en quatre actes
Livret de Marco Praga, Domenico Oliva,
Giulio Ricordi, Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
D’après le roman de l’abbé Prévost
Nouvelle production
Mise en scène, Yves Coudray
Décors, Michel Hamon
Costumes, Katia Duflot
Lumières, Philippe Grosperrin, Fred Marty
Manon Lescaut : Catherine Naglestad
Le Chevalier des Grieux : Zwetan Michailov
Lescaut : Marc Barrard
Geronte : Jacques Calatayud
Edmond : Julien Dran
L’aubergiste : François Castel
Un maître à danser : Charles Burles
L’allumeur de réverbères : Bruno Comparetti
Le sergent : Philippe Fourcade
Orchestre de l’Opéra de Marseille
Chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du chœur, Pierre Iodice
Direction musicale, Luciano Acocella
Marseille, le 22 novembre 2009
Retour réussi sur La Canebière
Après la Manon de Massenet l’an dernier, Marseille retrouve après vingt huit ans d’absence la Manon Lescaut de Puccini dans une nouvelle production globalement riche d’atouts
Dans le programme de salle le metteur en scène, Yves Coudray justifie le côté allusif des décors – signés par Michel Hamon – par le souci de concentrer l’intérêt sur les personnages. Mais lui-même au premier acte déroge à la règle pour introduire une pantomime qui nous distrait de l’essentiel. Fort heureusement les autres actes sont traités avec clarté, même si la transposition à la fin du XIXe siècle rend toujours problématique la déportation en Louisiane. Ajoutons que le maniement des masses n’est pas des plus vivants et que les protagonistes chantent souvent face au public, comme autrefois.
A la décharge du metteur en scène, cette dernière remarque s’explique probablement par le fait que, pour les interprètes du couple d’amoureux il s’agit de prises de rôle et ils ne quittent guère le chef des yeux. Mais on peut parler de réussite pour tous deux, voire de prouesse pour le ténor Zwetan Michailov appelé à la rescousse et qui a appris le rôle en quelques jours. On retrouve avec plaisir un chanteur déjà remarqué en Hoffmann à Toulouse. Assurant avec vaillance les écueils d’un rôle assez ingrat et qui sollicite souvent la voix aussi bien dans l’aigu que dans le volume en raison de la richesse de l’orchestration, en particulier aux deux premiers actes, il recueille un succès mérité. Pour Catherine Naglestad, qui a sur lui la supériorité d’un timbre séduisant et dont le physique est avenant à souhait, la musicalité, l’étendue et la souplesse de sa voix sont quasiment irréprochables. L’interprétation est juste, aussi bien théâtralement que vocalement, excluant tout excès ; une fois libérée des prudences liées à ces débuts, nul doute qu’elle gagnera en ardeur et en désinvolture. Mais d’ores et déjà c’est une grande Manon Lescaut et le public le lui clame au rideau final. C’est du reste un satisfecit global que mérite le plateau dans son ensemble, du Lescaut bien chantant de Marc Barrard – dont on peine à croire au cynisme – au Géronte de Jacques Calatayud – pas assez décati pour mériter son nom – jusqu’à l’Edmond du jeune Julien Dran, et à l’allumeur de réverbères, Bruno Comparetti. Dans les rôles tenant de l’apparition, Charles Burles (le maître à danser) et Philippe Fourcade (le sergent des archers) sont un luxe. Enfin les chœurs s’acquittent honorablement de leurs interventions.
La fosse est à l’unisson, et malgré quelques lourdeurs dans les deux premiers actes, où la luxuriance de l’orchestration est parfois rendue avec un volume sonore tel que les chanteurs sont tentés de passer en force, on apprécie la prestation des musiciens, en particulier dans l’intermezzo. Luciano Acocella dirige sans frénésie, attentif le plus souvent à seconder les chanteurs ; si sa direction semble parfois un peu sage, elle épouse étroitement les différents climats de l’œuvre sans excès de pathos. A cet égard le dernier acte est une vraie réussite de sobre efficacité. Il reçoit sa juste part des ovations. Sans être un sans faute, Manon Lescaut a bien réussi son retour.
Maurice Salles