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Genoveva — Paris (Pleyel)

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Spectacle
7 juin 2010
Douche écossaise

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2

Infos sur l’œuvre

Détails

Robert Schumann (1810-1856) Genoveva Opéra en quatre actes sur un livret de Robert Reinick d’après Friedrich Hebbel et Ludwig Tieck, revu par le compositeur ; création le 25 juin 1850 au Stadttheater de Leipzig sous la direction de Schumann Version de concert Anne Schwanewilms, Genoveva Matthias Goerne, Siegfried Matthias Klink, Golo Birgit Remmert, Margarethe Markus Marquardt, Hidulfus / Drago Gun-Wok Lee, Caspar Jae-Hyong Kim, Balthasar Didier Bouture, Geoffroy Jourdain, chefs de choeur Orchestre National de Lyon Chœur de l’Orchestre de Paris Direction musicale, Jun Märkl Paris, Salle Pleyel, le 7 juin 2010, 20 heures

L’unique opéra de Schumann, Genoveva, devrait figurer depuis longtemps au répertoire des théâtres lyriques. Sa création scénique en France à l’Opéra de Montpellier puis de Nancy, avec Christiane Eda-Pierre dans le rôle titre, remonte à 1985, aucun directeur de théâtre en France ne l’a programmé depuis. A l’époque, le public et la presse internationale avaient pourtant été convaincus que l’œuvre tenait parfaitement la scène. Si le livret trop édulcoré comporte des faiblesses, elles sont faciles à compenser car la musique de Schumann est beaucoup plus dramatique que le texte.

 

Or, dans cette version de concert, Jun Märkl traite l’ouvrage comme un oratorio, ce qui le dénature. Il semble se désintéresser de toute caractérisation des personnages. De plus, un perpétuel va et vient détourne l’attention du public et transforme l’œuvre en un puzzle dont on ne peut assembler les morceaux, ce qui nuit également à la concentration des solistes. Impossible de suivre correctement l’action dans ces conditions, le surtitrage ne pallie pas ce défaut. Seules les scènes avec les chœurs (la prestation du Chœur de l’Orchestre de Paris est absolument remarquable), toujours présents, permettent vraiment de se représenter l’action scénique. De surcroit, les solistes, placés à l’avant-scène, tournent le dos au chef qui se concentre sur l’orchestre ; faute d’une conception d’ensemble, il leur est difficile d’établir une complicité, d’où un regrettable manque de cohésion. A une exception près toutefois : Birgit Remmert en Margaretha dont le timbre d’alto mezzo1, cuivré, mystérieux, riche en harmoniques, convient parfaitement à ce personnage proche d’Ortrud. Elle porte, au lieu d’une robe de soirée, un véritable costume : ensemble noir (pull et pantalon) et manteau long écarlate à deux pans d’une très belle coupe, initiative personnelle du meilleur effet qui nous aide à visualiser ses scènes. Son magnifique jeu d’acteur confère une souveraineté inégalable à sa sorcière qui devient ici une enchanteresse d’une grande rigueur, au maintien royal et à l’assurance diabolique.

 

Trois rôles nous ont semblé mal distribués : Matthias Goerne dans Siegfried a un timbre trop clair pour incarner ce personnage noir, violent et impitoyable, qui n’hésite pas à condamner à mort sa femme sans preuve valable de son infidélité. Malgré un investissement remarquable et immédiat, il propose un bon mari compatissant là où l’on attendrait un rude guerrier. La voix très riche aux inflexions caressantes charme et attendrit quand elle devrait glacer ; exception faite du troisième acte, quand il croit voir sa femme le tromper dans le miroir magique de Margaretha, où il devient enfin terrifiant. La Geneviève de Anne Schwanewilms est particulièrement décevante pour qui a encore dans l’oreille le chaleureux soprano lyrique de Christiane Eda-Pierre, alors au sommet de sa carrière, et dont ce fut l’adieu à la scène. Sur la réserve, la soprano allemande se borne, durant une grande partie de la représentation, à chanter d’une voix fort belle mais édulcorée, nous donnant du personnage une image d’Épinal. C’est d’autant plus regrettable qu’elle trouve sans peine, dans certains moments particulièrement dramatiques, force et expressivité. Enfin Mattias Klink, dont le timbre a de très beaux coloris, dans l’aigu comme dans le grave, n’a pas l’ampleur exigée par le rôle de Golo.

 

Après une ouverture dirigée comme une symphonie, avec une certaine affectation, et dont le tempo trop lent ne nous prépare pas à l’action, Jun Märkl marque une longue pause (quand le choral qui suit devrait s’enchaîner sans temps mort), s’attarde complaisamment sur la beauté des sons et oublie le contexte guerrier. Avec l’intervention de l’évêque Hidulfus, interprété par l’excellent Markus Makardt qui donnera sa pleine mesure dans le rôle de Drago, l’ambiance devient encore plus sucrée, presque mièvre. Puis, soudain, c’est le miracle : le double chœur des guerriers en partance pour Poitiers apporte la dimension dramatique et épique qui nous avait manqué jusque là. L’action décolle et désormais les nombreuses scènes avec les chœurs ne nous décevront pas, bien au contraire. La direction de Jun Märkl se transforme, nous entraîne dans un rythme trépidant qui malheureusement retombe au début du deuxième acte pour à nouveau repartir lors du finale « Zum Turm mit ihr !2» où le drame atteint son apogée. Le troisième acte, dominé par la prestation de Birgit Remmert, ne déçoit pas mais au début du quatrième acte, nouvelle chute de tension : on retrouve l’image mièvre de Geneviève de Brabant telle que Marcel Proust, enfant, la voyait dans sa lanterne magique. Inversement, le bref duo des deux gardes aux belles voix de baryton basse (Jae-Hyong Kim) et de basse profonde (Gun-Wook-Lee), chargés d’assassiner Genoveva, nous impressionne par sa sauvagerie et de sa férocité. Après tant de hauts et de bas, le retour du double chœur et l’apothéose finale conclut heureusement la soirée sur une note positive.

 

____ 

1 C’est le terme employé par l’artiste elle-même. Cf. http://birgit-remmert.com , le site sera accessible prochainement.

2 Enfermons-la dans la tour !

 

 

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