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Lettere amorose — Bruxelles (Bozar)

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Spectacle
11 novembre 2010
La déesse aux pieds nus

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Magdalena Kozana
Lettere amorose
Filippo VITALI (ca. 1599-1653)
« O bei lumi »
Sigismondo D’INDIA (ca. 1582- ca. 1629)
« Crud’Amarilli, che col nome ancora »
Giulio CACCINI (1551-1618)
« Odi, Euterpe, il dolce canto »
Luis DE BRIÇEÑO (début XVIIe siècle)
Çaravanda ciaona (instrumental)
Tarquinio MERULA (ca. 1594-1665)
Canzonetta spirituale sopra alla nanna: « Hor ch’è tempo di dormire »
Gaspard SANZ (seconde moitié XVIIe siècle)
Canarios (instrumental)
Sigismondo D’INDIA
« Torna il sereno Zefiro »
Biagio MARINI
« Con che le stelle in ciel »
Giovanni Paolo FOSCARINI (actif entre 1629 et 1647)
Passamezzo (instrumental)
Claudio MONTEVERDI (1567-1643)
« Se dolce è’l tormento »
Giovanni DE MACQUE (ca. 1548-1614)
Capriccio stravagante (instrumental)
Johann Hieronymus KAPSBERGER (ca. 1580-1614)
« Aurilla mia, quando m’accese »
Sigismondo D’INDIA
« Ma che ? Squallid’e oscuro »
Johann Hieronymus KAPSBERGER
« Felici gl’animi »
Giovanni Paolo FOSCARINI
Ciaccona (instrumental)
Barbara STROZZI (1619-1677)
« L’Eraclito amoroso : Udite amanti »
Lucas RUIZ DE RIBAYAZ (après 1650)
Espagnoletta (instrumental)
Tarquinio MERULA
« Folle è ben si crede »
Claudio MONTEVERDI
« Qual sguardo sdegnosetto »
Magdalena Kozena, mezzo-soprano
Private Musicke
Pierre Pitzl, direction
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 11 novembre 2010

En tournée promotionnelle pour son nouvel album « Lettere amorose », Magdalena Kozena recevait jeudi dernier un accueil chaleureux du public bruxellois. Son seul nom à l’affiche remplit les salles bien plus sûrement que ceux de Filippo Vitali, Giulio Caccini ou Tarquinio Merula et on lui sait gré de renouer avec ces amours de jeunesse qu’elle contribue à faire connaître au plus grand nombre. « J’ai grandi avec cette musique et j’ai voulu y revenir », explique la cantatrice tchèque, qui l’interprétait, accompagnée au luth, dès l’âge de seize ans, alors qu’elle étudiait au conservatoire de Brno. Elle aime rappeler qu’à l’époque où ces chansons d’amour ont vu le jour, il n’y avait pas de réel clivage entre musique savante et musique populaire, et qu’elles n’étaient pas nécessairement destinées au concert, mais pouvaient fort bien être reprises à la maison, en famille ou entre amis.

 

Magdalena Kozena a voulu s’approprier ces oeuvres en retrouvant la liberté et la fantaisie qui caractérisaient la pratique musicale du Seicento. «  Ce répertoire repose sur le principe que tout le monde est libre de faire ses propres arrangements », explique-t-elle, « et de décider quels instruments utiliser. Nous avons essayé en concert beaucoup d’arrangements différents – et c’est une liberté à laquelle nous ne sommes plus habitués dans la musique classique ». Elle aurait quitté le joug communiste hier qu’elle ne s’exprimerait pas avec plus de candeur. Des générations de musiciens, de Jordi Savall à Christina Pluhar ou Vincent Dumestre, ont recherché et cultivé cette liberté à laquelle bien des mélomanes sont habitués. En outre, la spontanéité ne se décrète pas le temps d’un album ou d’une tournée: elle s’acquiert au prix d’un travail intense et rigoureux, sans lequel l’improvisation tournerait court. D’un bon niveau mais d’une originalité toute relative, la performance de l’ensemble Private Musicke (guitare, colascione, théorbe, harpe, lira da gamba, violone et percussion) ne renouvelle pas plus notre approche que celle de Kozena qui, avant tout, fait… du Kozena. 

 

Le classique, c’est trop sérieux, c’est guindé, il faut le décoincer. Démonstration. Les musiciens arrivent au compte-goutte, le public interrompt ses applaudissements lorsqu’il comprend que le guitariste joue déjà tout en traversant la scène, Magdalena Kozena fait alors son entrée et se met aussi à chanter alors que leurs partenaires n’ont pas encore fini de s’installer. Cool ! « Elle ne se prend pas pour une diva », murmurent les ingénus. Sa silhouette est mise en valeur par une robe moulante aux motifs abstraits et aux échancrures asymétriques qui laissent entrevoir une réalité beaucoup plus concrète: le regard glisse le long d’une magnifique paire de jambes et découvre, incrédule, des pieds nus. Après tout, c’est de la Hausmuzik avant l’heure, autant se mettre à l’aise et faire comme chez soi. L’artiste, qui chante de mémoire, investit l’espace, multiplie les changements de position sur scène, mais s’exprime avec tout son corps, radieuse et séductrice en diable. Le show fonctionne à merveille et soulève l’enthousiasme de l’auditoire qui en redemande.

 

« On a rarement l’occasion d’entendre une telle voix dans cette musique », me glisse une admiratrice. De fait, Kozena aborde ces pages, pour la plupart légères mais intimistes, avec un chant extraverti, lyrique et sonore dont elle semble la première à se griser, mais au détriment de la demi-teinte, de l’intériorité, des éclairages subtils et de l’intelligence des mots essentiels dans cet univers raffiné. Il faut d’autres ressources que les nuances dynamiques pour traduire l’ambiguïté doloriste de la berceuse de Merula, « Hor ch’è tempo di dormire », dont Sara Mingardo a su libérer le pouvoir hypnotique. « Ces airs ne sont pas difficiles techniquement », observe Kozena, « et on peut donc se rapprocher davantage de la musique. C’est libérateur: on chante pour son propre plaisir ». Mais s’ils ne sont pas (excessivement) difficiles, c’est parce que la musique n’est plus une fin en soi comme dans l’Ars perfecta de la Renaissance: elle doit servir le texte et les affetti, le moi poétique et non l’ego des virtuoses. Le chanteur ne peut se lancer à gorge déployée dans la canzonetta ou le madrigal de la seconda prattica comme dans un air de bravoure et moins encore les enfiler comme des exercices d’échauffement. Or Kozena enchaîne sans marquer aucune pause les pièces de Vitali, d’India et Caccini qui ouvrent son programme comme s’il s’agissait des différentes strophes d’un même morceau. A quoi rime ce parti pris absurde, qui nie l’individualité des œuvres ?

 

En revanche, pour peu qu’elle oublie de briller et qu’elle se concentre, Magdalena Kozena renoue avec l’inspiration, épouse les moindres inflexions du sentiment et livre un récit dense, habité et pénétrant : devant «L’Eraclito amoroso» de Strozzi, d’une beauté qui subjugue, l’auditoire retient son souffle comme un seul homme. Après cette catharsis et l’aimable diversion offerte par une espagnolette de Lucas Ruiz de Ribayaz, le mezzo trouve immédiatement le ton juste dans le malicieux « Folle è ben si crede » de Merula et redécouvre les vertus de la simplicité, sinon de la litote. Paradoxalement, la « lettera amorosa » de Monteverdi qui donne son titre à l’anthologie, ne figure même pas au programme, lequel se referme sur une lecture heurtée et pressée de « Qual sguardo sdegnosetto ».

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Lettere amorose
Filippo VITALI (ca. 1599-1653)
« O bei lumi »
Sigismondo D’INDIA (ca. 1582- ca. 1629)
« Crud’Amarilli, che col nome ancora »
Giulio CACCINI (1551-1618)
« Odi, Euterpe, il dolce canto »
Luis DE BRIÇEÑO (début XVIIe siècle)
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Claudio MONTEVERDI (1567-1643)
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Giovanni DE MACQUE (ca. 1548-1614)
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