Troisième spectacle proposé par le festival de Baugé (voir nos comptes rendus de La Bohème et de Fidelio), le Postillon de Lonjumeau est une vraie découverte : cet opéra n’a pour ainsi dire jamais été monté en France depuis sa création où il avait pourtant rencontré un beau succès. On a pu le voir au cours du siècle passé en Allemagne et l’on ne peut que s’amuser de se dire qu’il a fallu des Anglais – le festival de Baugé a été fondé à l’initiative d’un couple britannique en pleine campagne angevine – pour nous aider à redécouvrir un auteur que l’on connaît essentiellement par le ballet Giselle. Ce sont les Anglais également qui avaient contribué à faire apprécier Berlioz dans l’Hexagone. Certes, Adam n’est pas Berlioz, mais sa musique est très agréable dès la première écoute, à cheval entre musique romantique française et bel canto italien. Bellini est mort à Puteaux un an avant la création de l’œuvre, son influence est tangible.
L’histoire est simple : un postillon de village, Chapelou, vient d’épouser la belle Madeleine. Las, le jour de ses noces, il est obligé de convoyer un marquis dont l’équipage est en rade. Ledit marquis est à la recherche de nouvelles recrues pour le théâtre du roi et entend notre postillon lancer un somptueux contre-ré. Il le persuade de quitter sa vie pour devenir chanteur. Dix ans plus tard, Madeleine, devenue riche, apparaît à la cour sous le nom de madame Latour et va conquérir son Chapelou devenu Saint Phare qui ne reconnaît pas son épouse. Elle décide de se venger et organise un mariage qui fait de son conjoint un bigame. La maréchaussée, convoquée, va arrêter le parjure qui risque la pendaison. Mais Madeleine, toujours amoureuse, révèle son identité et pardonne… On pense beaucoup à Grétry pour la succession des quiproquos et le sens du rythme qui rendent l’intrigue plaisante à suivre. L’ennui, c’est que le tout repose sur les épaules du couple central, les autres étant réduits à jouer les utilités, et que dans ces conditions, le contrat n’est ici rempli qu’à moitié.
D’un côté, Kim Sheehan compose une Madeleine superbe : le timbre n’est que miel et pureté. Très flexible, puissamment sonore, d’une grande assurance et d’une longue tenue dans les aigus, la voix apparait comme un diamant qui brille de bien des feux. Cette soprano colorature, qui s’apprête à chanter la Reine de la nuit, rêve d’interpréter du Bellini et on lui souhaite de réaliser ce désir… Une carrière à suivre, en tout cas, attentivement.
De l’autre côté, hélas, son partenaire ne rayonne pas autant. Il faut dire que Thomas Raskin remplace Mathieu Muglioni initialement prévu. Trois semaines pour apprendre un rôle aussi lourd, on conçoit aisément les difficultés rencontrées. Ainsi, la prononciation est malaisée, notamment dans les récitatifs, quand la voix peine à atteindre le fameux contre-ré. Si le ton est convaincant, davantage de discipline dans la ligne vocale serait souhaitable.
Pour le reste, Nicolas Bercet enchante en marquis arrogant et Jocelyn Riche s’en donne à cœur joie dans le rôle de Biju, rival du postillon. Leur tandem fonctionne à merveille. D’une manière générale d’ailleurs, les ensembles sont très beaux, illuminés encore par des chœurs dont on a une fois de plus envie de dire grand bien… L’orchestre, dirigé par le jeune Alexander Walker avec fougue, assure à cet attelage trépidant beaucoup d’allure. Un équipage entraînant qui emballe également le public, enthousiaste et manifestement ravi.