Avant de fêter dignement le bicentenaire de la naissance de Verdi lors de la saison 2012/2013 avec rien moins que deux ouvrages (Rigoletto et Le Bal Masqué), l’Opéra de Tours rend un bel hommage anticipé au Maître de Busseto avec Macbeth.
Comme souvent à Tours on admire la qualité et l’homogénéité du spectacle : pas de « star system » ici mais une cohésion réjouissante. Le mérite en revient en particulier à Jean-Yves Ossonce, qui galvanise son Orchestre Symphonique Région Centre-Tours : les tempi sont vifs, la battue inexorable. Le travail sur les sonorités et les équilibres est par ailleurs surprenant, faisant ressortir des détails orchestraux inhabituels, tels les cuivres dans l’introduction du brindisi, qui renforcent l’impression de joie artificielle. Parfaite dans les grands ensembles et les scènes de foules, cette direction enlevée trouve toutefois sa limite dans les moments plus intimistes qui peuvent manquer de mystère et de poésie. Le travail des chœurs, fortement sollicités ici, est également remarquable, tant sur le plan de l’homogénéité que de la netteté des attaques, même si l’on aimerait parfois couleurs plus chatoyantes.
Pas de grand concept ni d’idée révolutionnaire dans la mise en scène de Gilles Bouillon mais une proposition respectueuse de l’œuvre et d’une grande lisibilité : ainsi, le surnaturel est préservé, les sorcières ressemblent à des sorcières. Le travail d’acteur est fouillé avec, au-delà des personnages bien dessinés, une appréciable fluidité dans les mouvements d’ensemble (en particulier l’ondulation perpétuelle du chœur des sorcières). Les décors de Nathalie Holt sont réduits à leur plus simple expression : quelques souches pour symboliser la campagne, un pan de mur qui descend pour le château de Macbeth. Pourtant l’espace est parfaitement utilisé avec des rideaux à lanières qui dessinent habilement différentes zones sur la scène.
De la distribution réunie pour cette matinée on retiendra d’abord les hommes. Jean Teitgen reçoit une ovation aux saluts : son Banco impressionne par sa noblesse et sa puissance. Au vu du potentiel de la basse française, on ne se fait que peu d’inquiétude pour le développement de sa carrière. Dans le rôle titre, Enrico Marrucci parvient à conjuguer un aplomb vocal certain avec le portrait d’un homme soumis et velléitaire. Il convainc particulièrement dans sa scène finale où l’abattement fait vite place à la vaillance de son cri de ralliement : « la mort ou la victoire ». On retrouve cette bravoure chez son ennemi, Macduff : Luca Lombardo, en grande forme, ne fait qu’une bouchée de ses courtes apparitions, même si d’aucuns pourraient rêver à davantage d’hédonisme vocal. Les personnages secondaires, du Malcom de Christophe Berry, à la Dame de Lady Macbeth de Julie Pastoureau, en passant par le sonore médecin d’Henri-Bernard Guizirian, ne souffrent d’aucune faiblesse.
Reste la Lady Macbeth de Jana Dolezilkova. Pas de voix laide au programme (comme l’aurait voulue Verdi), mais une pulpe plutôt riche. Pourtant si la soprane slovaque possède toutes les notes (dont le ré bémol concluant la scène de somnambulisme, certes à peine ébauché), elle semble forcer ses moyens dans ce rôle : le grave est grossi artificiellement, les aigus manquent de percussion. L’incarnation scénique réussie ne peut totalement compenser le manque d’impact vocal.
Version recommandée
Verdi: Macbeth | Giuseppe Verdi par Claudio Abbado