Encore une fois, Michael Spyres en récital à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées invité par les Grandes Voix, après l’Athénée en janvier et l’Instant Lyrique en début de saison. Encore une fois, un programme déboussolé avec comme en octobre à Gaveau des airs pour ténor et baryton qui se jouent des tessitures autant que des vocalises. Encore une fois, des prises de risque insensées, des aigus bravés, des graves azimutés, des octaves enjambés. Une fois de trop ?
La première partie de la soirée semble accuser le coup des Tristan et autres défis relevés ces derniers mois : Idomeneo, à Aix-en-Provence l’été prochain, inconfortable, inanimé ; Licinius écrasé dans le medium par un orchestre brouillon conduit par David Stern avec trop de fougue ; Otello, l’alpha de son répertoire pourtant, embarrassé, sur le fil de l’incident, en dépit d’une maîtrise incontestable de la syntaxe rossinienne. Tonio enfin à la lumière retrouvée mais aux contre-ut étranglés quand longtemps les notes extrêmes n’ont semblé à Spyres qu’une simple formalité.
Ne pas sous-estimer cependant un artiste hors du commun. Même si déjà connu, le numéro du Barbier de Séville en ouverture de deuxième partie demeure imparable avec ces jeux de scène, ces minauderies en voix de tête, ces innombrables effets qui dessinent un Figaro plus vrai que nature. Les deux comtes, Almaviva et Luna, sont ancrés dans un registre de baryton qui peut sembler artificiel. Mais la musicalité bouscule les certitudes et l’expression convainc là où le timbre laisse circonspect. Danilo sert de prétexte à de nouvelles fantaisies avec des « Lolo, Dodo, Joujou » gourmands comme un nuage de chantilly sur une Sachertorte. Hoffmann, enfin, que l’on dirait surjoué s’il n’était transcrit avec une telle sincérité, rappelle par ses élans généreux et la clarté de sa diction les affinités que Spyres entretient avec son rôle fétiche et d’une manière plus générale le répertoire français.
Les bis emportent la partie. Qu’il est beau ce Postillon de Lonjumeau où la voix, libérée, peut déposer sur l’autel du belcanto quelques-uns de ses meilleurs effets ; qu’il est crâne ce Duc de Mantoue avec sa cadence insolente ; qu’il est irrésistible ce Tonio où Michael Spyres, rejoint sur scène par Lawrence Brownlee et Rene Barbera*, ravive en moins de cinq minutes et une dizaine de contre-ut le mythe des trois ténors et achève la soirée acclamé debout par un public chaviré. Encore une fois.
* Rene Barbera interprètera prochainement Almaviva dans Il barbiere di Siviglia et Lawrence Brownlee Platée à l’Opéra national de Paris. Ce dernier retrouvera Michael Spyres la saison prochaine dans un programme d’airs et duos d’opéra sur cette même scène du Théâtre des Champs-Elysées, à l’invitation des Grandes Voix, encore une fois…