Sous le titre abusif de « duos amoureux » (duetti amorosi), le Rossini Opera Festival proposait dimanche 17 août de mieux faire connaissance avec deux de ses étoiles montantes, la soprano Carmen Romeu, titulaire du rôle-titre d’Armide, et la mezzo-soprano Lena Belkina qui, dans Aureliano in Palmira, brandissait l’épée d’Arsace. En fait de duos amoureux, seuls les deux extraits de Tancredi peuvent se targuer de tendres sentiments, les autres numéros du programme – ouverture, arias et duettino entre Desdemona et Emilia – ayant peu à voir avec les tourments partagés de l’amour. Le duo des chats, offert en bis, est finalement le mieux dans le ton, faisait remarquer, malicieux, le chef d’orchestre Noris Borgogelli. Le directeur artistique de l’Orchestra Sinfonica G. Rossini est un plaisantin dont les miaous langoureux font du duo apocryphe un trio. Sa fantaisie trouve d’abord matière à s’épanouir dans ce dernier numéro, ainsi que dans l’hommage rendu à l’enfant du pays, Riz Ortolani, compositeur de musique de films, décédé en début d’année. Son arrangement d’un des péchés de vieillesse, Un Réveil en sursaut, tire l’Orchestra Sinfonica G. Rossini de sa torpeur. Les ouvertures de Tancredi et d’Otello, si elles mettent en valeur quelques solistes – la clarinette réconfortante de Marco Torsani –, paraissent trop appliquées. Semiramide après l’entracte traine des cuivres comme un enfant des pieds mais affiche suffisamment d’entrain pour qu’on se laisse emporter par le tourbillon rossinien.
Auparavant, Carmen Romeu n’a pu dissimuler la fatigue due aux excès d’une Armide qui la veille, paraît-il, était stupéfiante d’engagement. Soit. Mais quelle idée d’avoir accepté de chanter Amenaide quand son soprano court est contraint d’envisager chaque note aigue comme un obstacle. « Bel raggio lusingher » en deuxième partie confirme que son tempérament, plus que son chant, lui vaut de compter à son répertoire les rôles initialement dévolus à Isabella Colbran (outre Armida, Desdemona en début d’année au Vlaamse Opéra). Puis pour chanter des duos, il faut être deux. La complicité avec sa partenaire, Lena Belkina, ne transparaît pas tout au long de ces pages où les timbres ne s’étreignent pas, où les lignes s’étirent sans se confondre. Les jappements qui tiennent lieu de vocalises dans « L’aura che intorno spiri » feront dire à certains, non sans humour, qu’avant le duo des chats, il y eut celui des chiens. L’ambiguïté des tessitures rossiniennes vaut à Lena Belkina d’interpréter la Canzone del Salice quand le duettino suivant lui attribue non plus la partition de Desdemona mais celle d’Emilia. Timide, la mezzo-soprano n’a pas davantage à offrir qu’une voix veloutée, égale sur une longueur qui n’a rien de vertigineux. Du beau son oui, du beau chant, non. A la fin du concert, le public, épars, applaudit mollement. Carmen Romeu, jusque-là sur la réserve, décroche un sourire. Après tout, ce n’était qu’un mauvais moment à passer.