C’est un trio de choc qui a brillé ce vendredi soir sur la scène du Festspielhaus de Baden-Baden, où l’on est friand de grandes voix. La preuve avec cette affiche réunissant Diana Damrau, Piotr Beczala et Nicolas Testé. Cependant, si le ténor a montré ce dont il était capable, c’est surtout la soprano qui était la diva, les deux autres lui servant de faire-valoir. Nicolas Testé, son époux à la ville, n’a eu que très peu d’airs à interpréter, ceux du tuteur de Lucia, du comte des Masnadieri et tout de même un Méphistophélès passionnant et intriguant à souhait. La belle voix ambrée et un peu sourde du Français, teintée de mélancolie, sombre mais zébrée d’éclats lumineux, a laissé entendre un diable à la personnalité fort intéressante, quoiqu’un peu trop lisse et pas assez scénique (ce qu’on ne lui demandait pas puisqu’il s’agissait d’un récital).
Piotr Beczala, pour sa part, a affiché une belle présence et a distribué quelques tubes, à commencer par « La donna è mobile » projeté comme à la parade, mais sans effets de surprise. Il en est allé tout autrement de l’air de Riccardo dans le Bal masqué où le ténor s’est risqué à d’audacieux graves contrastant superbement avec des aigus d’une facilité déconcertante, ce qui n’a pas toujours été le cas chez le Polonais. L’homme a vraiment le sens de la phrase qu’il sait amadouer et infléchir pour lui donner des accents très personnels. Dommage que la prononciation du français soit peu compréhensible, comme c’est aussi le cas pour ses autres partenaires.
© Christiane Haumann-Frietsch
La star de la soirée, incontestablement, est Diana Damrau. Belle et élégante, la soprano allemande nous a paru au sommet de sa forme, épanouie et prompte à faire des effets de manche, en un mot rayonnante, libérée, voire déchaînée ! D’entrée de jeu, elle commence avec Bellini, ce qui n’est pas choisir la facilité et pourtant, sa science de l’ornementation et la flexibilité donnent l’impression qu’elle a tout sous contrôle : on assiste à une véritable leçon de chant. Chaque nouvelle apparition donne vraiment à percevoir le personnage, parfois à la limite du cabotinage, ce qui n’est pas du tout déplacé dans le cas de Manon, par exemple. On se dit alors que la prima donna a décidément de faux airs de ressemblance avec Meryl Streep, pas uniquement physiques mais aussi scéniques.
Pavel Baleff, de son côté, conduit la Philharmonie de Baden-Baden avec sérieux et mesure. Il en résulte une prestation honnête, peut-être sans éclat mais très correcte. Décidément, la reine de la soirée, qui nous murmure un sublime « O mio babbino caro » pour finir, c’est toujours Diana Damrau.