De Hänsel und Gretel, conte connu de tous, Mariame Clément livre un version très intellectualisée. Elle choisit d’en retourner la narration et en fait non pas un conte pour enfants mais par des enfants. Toute l’histoire est représentée à travers leur imagination. Cela commence par une division de l’espace scénique assez claire : à jardin, le monde réel (qui transpose le conte au XIXe de la création), à cour le monde rêvé par les enfants, mais qui garde une connexion au monde réel. C’est le miroir déformant de cette réalité. Jusqu’à l’acte III Mariame Clément éloigne le spectateur du fantastique, nous sommes dans une posture de psychanalyste se penchant sur des rêves d’enfants pour comprendre leurs peurs et leur fantasmagorie (la pantomime des anges est ainsi remplacée par les parents déguisés en roi et reines qui viennent adouber d’un côté, border de l’autre leurs enfants). A l’acte III, l’imaginaire a conquis tout le terrain : l’action sort du cadre pour gagner l’avant-scène où apparait non pas une maison en pain d’épice mais un gigantesque gâteau d’anniversaire (avec la miniature duquel les enfants jouaient affamés à l’acte I). De ce gâteau sort une vraie sorcière qui s’avère finalement être le double inquiétant de la mère devenue meneuse de revue, et une fois celle-çi enfournée, Hänsel et Gretel rangent sagement leurs jouets. La scène finale transforme les enfants prisonniers de la sorcière en invités d’une fête d’anniversaire, où les parents amènent finalement le gâteau en taille réelle.
Cette immersion dans l’univers mental des enfants est mise en scène de façon progressive, cohérente, efficace et intelligente. Hélas, même si Mariame Clément reste attentive à la musique (par exemple lors de l’éveil des enfants au III où la parodie de Wagner est soulignée à propos), tous ses efforts vont finalement à l’encontre du merveilleux induit par la partition. L’an dernier, Laurent Bury regrettait que l’univers du cauchemar ne soit pas davantage exploré, mais y voyait une saine prudence. Pour nous, cette approche a le goût de l’inabouti, car la puissance de l’imaginaire convoquée par le conte n’est qu’insuffisamment remplacée par la fantaisie des enfants.
© M. Rittershaus / Opéra de Paris
Pour cette reprise, la distribution est assez homogène mais il n’en émerge finalement pas d’autres personnalités que la sorcière truculente et au rire percutant de Doris Lamprecht qui s’amuse ici comme une folle. Le Hansel d’Andrea Hill a parfois du mal à se faire entendre dans les graves mais ne se ménage pas pour jouer les enfants turbulents. La Gretel de Bernarda Bobro est capable d’aigus assez puissants mais sait ajuster sa voix pour jouer les petites filles. La mère d’Irmgard Vilsmaier est moins sonore mais aussi investie que son mari Jochen Schmeckenbecher, tandis qu’Elodie Hache (le marchand de sable) et Olga Seliverstova (la fée rosée) font de très belles interventions.
L’Orchestre de l’Opéra de Paris semble heureux de jouer cette musique, et, même si l’on aurait aimé plus de contraste entre les pupitres, Yves Abel est attentif à ce que la pâte orchestrale soit aussi riche et liée que celle du gâteau, sans excès de sucre.