Déjà trois saisons que cette production du Vaisseau Fantôme au Staatsoper de Berlin nous enchante. Ainsi que nous le relations en 2013, la lecture que Philipp Stölzl fait de l’opéra place le spectateur entre rêve et réalité : le rêve de la légende du hollandais volant que l’esprit malade de Senta projette et la réalité de la scène qui plante un décor bourgeois dans lequel se prépare une union matrimoniale arrangée.
En dehors de Michael Volle qui incarne le hollandais avec autant d’aisance, de noirceur et de puissance que naguère, l’ensemble de la distribution est nouvelle.
La Senta de Camilla Nylund est, peut-être, le personnage le plus à l’écart parmi ce plateau équilibré et en tout point superlatif – question de goût ou d’expectative… La soprano, plus lyrique que dramatique, donne à entendre des accents plus souvent doux qu’acérés, si bien que sa ballade sonne différemment de ce qu’il est convenu d’entendre. Les attaques déchirantes à la limite du cri laissent place à un phrasé souple et enveloppant. Son interprétation est par ailleurs remarquable par son incarnation inquiétante des troubles psychiques de Senta.
© Matthias Baus
Peter Rose campe un Daland sympathique et énergique. Son timbre clair et sonore le pose en personnage de premier plan.
Remarquable également, la prestation d’Andreas Schager en Erik. Sa présence radieuse, son chant riche et percutant en font un interprète de tout premier plan que l’on a hâte de retrouver dans le rôle de Parsifal sous la baguette de Daniel Barenboim sur cette même scène berlinoise au printemps prochain.
Anja Schlosser en Mary et Joel Prieto en timonier ne déparent en rien cette distribution lumineuse et hautement énergisante.
Les chœurs du Staatsoper, aux nombreuses et brillantes interventions, récoltent une part bien méritée des applaudissements tandis que l’orchestre de la Staatskapelle placé sous la direction de Markus Poschner semble répondre aux attentes du public. Sa lecture de la partition manque néanmoins d’une pointe de pittoresque qui rendrait les assauts des différents pupitres plus vaillants, les sursauts des percussions plus héroïques, les chromatismes de l’orchestre plus chatoyants…