Depuis que Waltraud Meier a renoncé à Isolde, après deux brûlantes ultimes représentations à Munich l’été dernier, les Wesendonck-Lieder, et notamment l’accompagnement de « Im Treibhaus » et de « Träume », restent la seule occasion d’entendre cette voix se poser sur la musique de Tristan. S’il fallait trouver anecdotique un tel plaisir, on ne renoncerait pas pour autant à la nostalgie, aux parfums de paradis perdus et de souvenirs envolés qui traversent comme autant de nappes de brouillard toute la prestation de la chanteuse.
Mais que l’on cherche un peu ce qui compose cette impression, et on l’on retombe tout de suite sur des qualités bien plus tangibles. La fermeté de la voix, qui reste, en dépit d’un aigu filiforme, un remarquable outil expressif, la capacité sans cesse renouvelée à varier les couleurs du timbre, la longueur de souffle, support de rêve pour faire s’épanouir une diction à nulle autre pareille, par laquelle chaque mot prend sens sans paraître disséqué… Tout ce qui vaut à la cantatrice allemande son succès depuis 30 ans reste d’une véritable actualité.
A l’applaudimètre, Waltraud Meier partage ses ovations avec les voisins de la Cité de la Musique, les musiciens du Conservatoire. Solistes en herbe pour certains d’entre eux, ils forment pourtant un orchestre remarquablement homogène. Si les cordes sont un peu sèches, dans « Stehe still ! », les Wesendonck-Lieder montrent les jeunes musiciens à la fois impliqués et inspirés, créant pour la voix un écrin idéal savamment entretenu par la direction attentive de Jonathan Darlington.
Les autres œuvres au programme étaient, d’ailleurs, particulièrement exigeantes pour l’orchestre : pot-pourri des principaux thèmes de l’opéra éponyme, la Suite du Chevalier à la Rose montrait certes, en ouverture, un Strauss plus rutilant que subtil. Mais en seconde partie, le Pelléas et Mélisande de Schoenberg constituait une conclusion idéalement irisée à cette soirée résolument impressionniste.