Forum Opéra

Parsifal — Bayreuth

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
6 août 2016
Qu’advienne un monde sans Graal

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Festival dramatique et sacré en trois actes

Composé par Richard Wagner

Livret du compositeur, inspiré des récits médiévaux de Wolfram von Eschenbach et Chrétien de Troyes

Créé au Festspielhaus de Bayreuth le 26 juillet 1882

Détails

Mise en scène
Uwe Eric Laufenberg
Décors
Gisbert Jäkel
Costumes
Jessica Karge
Lumières
Reinhardt Traub
Dramaturgie
Richard Lorber
Vidéos
Gérard Naziri

Parsifal
Andreas Schager
Kundry
Elena Pankratova
Amfortas
Ryan McKinny
Gurnemanz
Georg Zeppenfeld
Klingsor
Gerd Grochowski
Titurel
Karl-Heinz Lehner
Chevaliers du Graal
Tansel Akzeybek
Timo Riihonen
Ecuyers
Alexandra Steiner
Mareike Morr
Charles Kim
Stefan Heibach
Six Filles fleurs
Anna Siminska
Katharina Persicke
Mareike Morr
Alexandra Steiner
Bele Kumberger
Ingeborg Gillebo
Une voix
Wiebke Lehmkuhl

Chœur du Festival de Bayreuth
Chef des Chœurs
Eberhard Friedrich
Orchestre du Festival de Bayreuth
Direction musicale
Harmut Haenchen

Bayrueth, Palais des Festivals, samedi 6 août 2016, 16h

Roselyne Bachelot, présente à la première de cette nouvelle production de Parsifal au festival de Bayreuth, avait tenu à rassurer les futurs festivaliers. Rassuré on le sera, mais seulement à la toute fin. Auparavant l’on aura craint le pire à plusieurs reprises. Classique, le premier acte ne s’autorise qu’une seule audace véritable : placer la communauté du Graal, recluse parce que chrétienne, dans un Moyen-Orient hostile. Cela apparait très vite comme un gadget en lien avec nos actualités quand bien même cela fonctionne eut égard au livret. Comme présenter Amfortas en figure christique, couronne d’épine et supplice en croix, nous semble un contresens. Comme la cérémonie du Graal, entre cannibalisme et vampirisme, qui ressemble à s’y méprendre à la proposition de Dmitri Tcherniakov à Berlin il y a deux ans. L’acte central, toujours à l’Orient, place les sortilèges terrestres dans la sensualité des femmes dont l’habit rigoureux de l’Islam ne trompe personne. Klingsor cherche en vain l’Est et la Mecque avant de revenir à ses crucifix, apostat jusqu’au bout. Le jardin des délices devient un hammam où la température monte jusqu’à ce que Parsifal ne mette la tête sous l’eau. Au dernier acte, notre Eglise s’est encore rétrécie ployant sous une végétation tropicale luxuriante. Là Kundry, vieille et tremblante, déplace Gurnemanz sur une chaine roulante. Beaucoup d’éléments agacent parce que gratuits : l’enfant abattu dans l’Eglise, les soldats américains qui patrouillent, Parsifal enrôlé avec eux. Ou encore la vidéo de la transition vers la scène du Graal, qui dans une imitation rustique d’un film de Terrence Mallick (The Tree of Life) veut faire tenir l’infiniment grand dans l’infiniment petit. Ou encore Parsifal qui revoit toute la scène de la blessure d’Amfortas, troussage de Kundry sur la table compris. Le summum est atteint quand cette dernière raconte sa malédiction… à elle-même (Parsifal est parti se changer, l’eau du bain ça mouille quand même le slip). Heureusement le final aide à oublier ces provocations et ratés. Dans une communauté désunie comme jamais – des chevaliers ont embrassé l’Islam, d’autres le Judaïsme – Parsifal revient avec la lance brisée, maintenue en croix par des drapeaux de prières tibétains. Il dépose dans le cercueil de Titurel cette relique. Tous l’imitent et se dépouillent des oripeaux de leur foi dans une cérémonie œcuménique. Le Graal véritable, c’est qu’il n’y en ait plus. Les murs de l’Eglise s’écartent, le plateau reste nu, peuplé du chœur apaisé. Uwe Eric Laufenberg pousse le geste plus loin encore : cette concorde sur scène, elle doit maintenant se faire hors du théâtre. Les lumières du Festspielhaus se rallument pendant les tous derniers accords.

On se souvient peut-être de l’interview que donna Harmut Haenchen à Clément Tallia lorsqu’il dirigea Parsifal à Bastille (production hélas détruite de Krzysztof Warlikowski). Appelé en renfort sur la Colline Verte après le départ trouble d’Andris Nelsons, l’allemand n’a d’autre choix que de jouer ce qu’il sait si bien : la structure. Et en effet, toujours les masses orchestrales seront mesurées, les enchaînements clairs et fluides. L’action coule et se déroule, turbulente dans un acte central bien plus convaincant qu’un premier trop en surface et un dernier désuni dans le final. Au-delà de la structure si chère à Boulez, dont Harmut Haenchen se réclame peu ou prou, on regrette que cette belle architecture ne soit pas habitée plus charnellement. Où sont le lyrisme, le pathos, l’urgence même qui font de Parsifal non seulement le chef d’œuvre systémique d’un compositeur au bout de son geste créatif, mais également une œuvre humaine, « parmi les hommes » ? Seules quelques scansions au troisième acte émeuvent et l’on sent alors qu’au-delà de l’intellect, toujours mobilisé dans Parsifal, c’est à l’âme que l’on s’adresse et qu’il est d’autres compréhensions de cette œuvre kaléidoscopique.

En cela, grâce soit rendue au Gurnemanz de Georg Zeppenfeld qui dépeint le serviteur, humble et  encore vigoureux lorsqu’il accueille Parsifal, devenu vieux sage bienveillant au dernier acte dans cette communauté du Graal déchue, ombre d’elle-même et de ses valeurs. L’évolution du personnage est conduite avec brio, alliée à une endurance sans faille. L’opéra est aussi parfois performance, ces sons inouïs et inhumains, tenus, vécus : de ceux que le baryton-basse réserve au cours des monologues qui le consacrent ce soir-là à Bayreuth. Ryan McKinny surinvestit son Amfortas, embrassant la figure christique que le metteur en scène a souhaité. Geste et parole secondent ce en quoi la voix trouve parfois ses limites, menu problème d’endurance bénin. Andreas Schager rencontre les mêmes difficultés qu’il affrontait déjà pour son Erik hambourgeois. Elles n’ont rien à voir avec ses capacités vocales qui le placent parmi les meilleurs ténors wagnériens du moment. Mais ce volume torrentiel, encore faut-il le canaliser, ce à quoi il parvient avec bonheur à l’occasion (« Erlöser ! Rette mich » piano et poignant au deuxième acte). Toutefois, le chant est souvent plus fruste, la ligne chahutée de telle sorte que l’on peine à suivre les tirades. Pêché véniel de remplaçant de dernière minute, le jeu scénique se réduit à chanter jambes écartées, genoux et coudés repliés. L’interprète est tel – comme ses Siegfried sont attendus ! – qu’il ne faut cependant pas trop bouder le « sauveur » de la soirée. Le Klingsor de Gerd Grochowski en est le maillon faible, empêtré dans des problèmes de souffle, de diction et d’endurance. Elena Pankratova crie effectivement fort bien, pour reprendre les mots de Roselyne, et ses aigus massifs et tenus sont un des points forts de son interprétation. Mais le reste n’est pas de la même eau, entre des phrases peu ciselées qui la rendent transparente au premier acte, un médium confus, et un registre bas disjoint… Au final, le personnage manque d’appui pour s’imposer. Reste la présence scénique, remarquable, qui fascine pendant tout le troisième acte où elle erre en vieille femme tremblante cherchant toujours son salut. Bonheur enfin que chacune des interventions des chœurs préparés par Eberhard Friedrich, et délices des filles fleurs mielleuses et vénéneuses comme il faut, suffisamment badines pour faire de la scène du hammam la respiration comique et sensuelle qu’elle doit être.

L’auteur de ce compte-rendu reste encore perplexe devant cet homme au-dessus de la nef, assis sur une chaise, immobile pendant les 4 heures de la représentation. Qui est-il ou qu’est-il ? Une vanité ? Un vieillard éternel ? Un Dieu vieilli contemplant les hommes se débattre ? Le débat est ouvert en commentaire. 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Festival dramatique et sacré en trois actes

Composé par Richard Wagner

Livret du compositeur, inspiré des récits médiévaux de Wolfram von Eschenbach et Chrétien de Troyes

Créé au Festspielhaus de Bayreuth le 26 juillet 1882

Détails

Mise en scène
Uwe Eric Laufenberg
Décors
Gisbert Jäkel
Costumes
Jessica Karge
Lumières
Reinhardt Traub
Dramaturgie
Richard Lorber
Vidéos
Gérard Naziri

Parsifal
Andreas Schager
Kundry
Elena Pankratova
Amfortas
Ryan McKinny
Gurnemanz
Georg Zeppenfeld
Klingsor
Gerd Grochowski
Titurel
Karl-Heinz Lehner
Chevaliers du Graal
Tansel Akzeybek
Timo Riihonen
Ecuyers
Alexandra Steiner
Mareike Morr
Charles Kim
Stefan Heibach
Six Filles fleurs
Anna Siminska
Katharina Persicke
Mareike Morr
Alexandra Steiner
Bele Kumberger
Ingeborg Gillebo
Une voix
Wiebke Lehmkuhl

Chœur du Festival de Bayreuth
Chef des Chœurs
Eberhard Friedrich
Orchestre du Festival de Bayreuth
Direction musicale
Harmut Haenchen

Bayrueth, Palais des Festivals, samedi 6 août 2016, 16h

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle