C’est un programme haut en couleurs que Ludovic Tézier a concocté pour cette soirée nancéienne aux côtés de plusieurs jeunes talents, offrant au public de l’Opéra national de Lorraine un florilège de son éclectique et éblouissant talent, de Verdi à Mozart avec un clin d’œil à Wagner, Giordano et Massenet. Comme le soulignait Sylvain Fort dans son dernier édito, « à l’opéra on ne chante pas dans une langue, c’est la langue même qui chante ». Et Ludovic Tézier semble effectivement avoir fait de cette maxime son adage. En français, en allemand, en italien, à la fois chez Verdi et Mozart « la langue s’épanouit avec ferveur, son dire nous mène dans la chair du texte ». La langue, mais aussi la musicalité hors pair, l’homogénéité des registres, la richesse des couleurs dont se pare son timbre, le souffle, le phrasé, le legato, simplement époustouflants.
Ses piani délicats et raffinés firent ressortir toute la poésie de l’air de Wolfram (Tannhauser), « O du mein holder Abendstern ». Puis il incarna à la perfection Rigoletto dans son grand air « Cortigiani, vil razza dannata », vocalement et physiquement, non sans rappeler parfois un certain Dietrich Fischer-Dieskau, tant dans les couleurs recherchées que dans le phrasé. Les dernières notes « pieta signori pieta » fff remportèrent les suffrages du public. C’était pourtant le cœur lourd que le baryton français était monté sur scène quelques instants auparavant. Avant d’entamer son premier air, celui de Gérard dans Andrea Chénier, « Nemico della Patria », le baryton français profondément attristé par le décès de Dmitri Hvorostovsky, s’adressa au public pour rendre à son ami disparu un hommage sobre et émouvant, et lui dédier ce récital. Ludovic Tézier l’interpréta presque à la façon dont Dima l’aurait certainement abordé, puissant et fougueux, paré de graves profonds et somptueux ; à peine les dernières notes retenties, il ne put dissimuler son chagrin, envoyant de sa main un baiser vers le ciel.
Dans la seconde partie du récital, Ludovic Tézier esquissa un remarquable Comte de Almaviva. Maîtrise absolue du style, prononciation parfaite, souffle d’une longévité impressionnante, firent de son « Hai gia vinta la causa » un des temps forts de la soirée. Quant au très attendu grand air d’Athanaël (Thaïs, Massenet), il ne fit que confirmer le lien privilégié de Ludovic Tézier avec le répertoire français. On ne peut qu’espérer une prochaine prise de rôle pour le baryton français tant Athanaël sied à sa voix : le diminuendo sur ma patrie confinait au sublime. Très ému par la standing ovation que lui réserva le public à l’issue du récital, Ludovic Tézier offrit plusieurs bis dont le « Eri Tu » du Un Ballo in Maschera.
Les jeunes talents ne furent pas en reste et offrirent une prestation de qualité. Tous étaient visiblement impressionnés, et peu rompus à l’exercice, cherchant plus à assurer leur technique qu’à interpréter. Le chef de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon, contribua largement au succès de la soirée, par son énergie débordante et son enthousiasme, et surtout par l’attention sans faille qu’il portait à chaque chanteur, prenant grand soin de ne jamais les couvrir et de s’adapter à chacun d’eux. Une mention spéciale pour la musicalité de la soprano Vanessa Fouillet, le timbre solaire du ténor Sungmin Song et le phrasé de la mezzo Anne-Lise Polchlopek.