À 23 ans, Xabier Anduaga a de l’audace à revendre. Devançant le baryton star Ludovic Tezier le ténor basque-espagnol ouvre, dans un salon de l’Hôtel de Lauzun en l’Ile Saint-Louis, le discret mais chic Festival de Paris avec un programme audacieux et bien construit (voir ci-contre) autour des airs d’opéra et de mélodies accompagnés au piano.
Après la romance d’Almaviva pour se mettre en voix et où déjà la clarté de l’émission, la vitamine D de l’aigu et les nuances osées témoignent d’une saine et solide technique, il s’aventure dans Bellini. Si le souffle lui suffit pour soutenir le phrasé si particulier du compositeur sicilien, il lui manque encore un surcroît de souplesse et de moelleux, gages du charme de ces mélodies. Aussi, en ce début de récital, la main droite arrimée au piano dans une salle dont l’exiguïté rend chaque variation si sensible et focalise l’attention sur la précision de chaque attaque, on sent que le jeune interprète prend la mesure de la tâche ambitieuse qu’il s’est donné. Le retour à une scène opératique (Donizetti) le remet dans des eaux plus sûres et c’est avec intelligence qu’il conduit toute la scène et fait évoluer par de belles couleurs et d’intelligents accents la psychologie de son personnage. La prudence restera cependant de mise et l’on trépigne dans l’attente d’un ut qui ne vient pas.
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Après un intermède où Maciej Pikulski toutes cordes et marteaux dehors égraine la paraphrase de concert de Liszt autour de Rigoletto et démontre qu’il est bien plus subtil dans l’art d’accompagner que de prendre le « lied », Xavier Anduaga s’attaque à la mélodie française avec Reynaldo Hahn et Duparc. On le sent libéré, et hormis quelques consonnes exotiques et fautes de prononciation (« ravizement » « zous »), la déclamation française est assez remarquable. Alliée à des mezza voce charmantes, une voix de tête à la douceur duveteuse, à des reflets ambrés dans les graves, certaines pages tutoient des cimes comme « si mes verres avaient des ailes » ou « l’invitation au voyage », qui, rétrospectivement, sera peut-être le sommet interprétatif de la soirée. Cette belle démonstration trouve tout son sens dans l’air de Nadir, moment suspendu.
La fin du récital le voit revenir au muscle et à la vitamine du belcanto italien et c’est avec aplomb que Xavier Anduaga gratifie son public des neufs contre-uts de poitrine de l’air de La fille du régiment. Il reviendra pour deux bis, aisés et ensoleillés, tarentelle napolitaine et zarzuela. Sur les quais de Seine le soleil brille. C’est l’été.