Ils devaient chanter ensemble le Faust de Gounod, mais le spectacle, prévu en novembre, fut annulé pour cause de pandémie. Ils ont choisi de se retrouver pour un récital particulièrement excitant et revigorant sur la scène de l’Opéra de Vichy. Sept duos, deux fois trois airs (pas de jaloux) et un bis sympathique (clin d’oeil aux amateurs de la série Kaamelott). Le programme est concentré sur le répertoire du XIXe siècle. Intitulé Frères, le concert intègre des duos où ténor et baryton s’estiment, s’opposent, ou affichent leur complicité. C’est le cas du duo du Barbiere, seule pièce joyeuse du programme et qui ouvre le concert, dans lequel Jérôme Boutillier campe un Figaro idéal, ne sacrifiant pas la qualité du chant dans ce rôle plutôt bouffe. De son côté, Julien Dran démontre une capacité à vocaliser bien rare chez les ténors français. Les trois pages des Pêcheurs de Perles qui suivent nous permettent d’apprécier la complicité des interprètes, une diction remarquable et deux voix d’un grand naturel. L’air de Nadir est chanté dans le ton, avec un parfait dosage de voix de poitrine et de voix mixte, un contre ut sans effort et un superbe diminuendo final : une belle performance. Superbe exploit aussi que les pages de Guillaume Tell où le registre aigu du ténor est particulièrement sollicité (ainsi que celui du baryton d’ailleurs) avec une demi-douzaine de contre-ut un peu partout, dont l’aigu final de la cabalette, crânement tenu. De son côté, le baryton Jérôme Boutillier offre (entre autres) de très beaux moments en Posa, témoignant à nouveau de ses qualités dramatiques, dans un registre très différent de celui de Figaro. Sa mort est sobre et émouvante. On apprécie également son autorité et son mordant en Zurga ou en Enrico de Lucia di Lammermoor, page dans laquelle le baryton ose un superbe si bémol additionnel.
© Opéra de Vichy
L’accompagnement de Mathieu Pordoy est efficace, et ses tempi sont justes. Mis en place en quelques jours, le récital souffre de quelques imperfections mineures, mais emporte notre adhésion par sa spontanéité, sa qualité et la générosité d’un programme copieux et exigeant pour les interprètes, et toujours remarquablement servi.
La réalisation est de qualité, avec des vues sur la magnifique salle Art Nouveau, et les éclairages sont variés et adaptés aux différentes pages (quelques éclairs pour la scène de Zurga par exemple). Diffusé en streaming en direct, le concert reste visible sur la page Facebook de l’Opéra de Vichy : ne manquez pas ce moment roboratif !