Nous voici sous couvre-feu depuis le début de la semaine. Pas question de sortir, le soir, à l’opéra. Mais ne vous inquiétez pas, l’Opéra de Rennes s’occupe de vous ! Vous vous installez dans votre canapé et il vous sert Orfeo à domicile. Il a fait cela mercredi soir en nous offrant en direct streaming une version abrégée, en concert, du chef-d’œuvre de Monteverdi.
Le spectacle était à vocation pédagogique, estampillé « Révisez vos classiques » . Une présentation parlée l’accompagnait – présentation pertinente mais pas assez concise. La manifestation était coproduite par un établissement professionnel et deux établissements d’enseignement : l’opéra de Rennes, le conservatoire de Rennes et le Pôle Supérieur de Bretagne. On ne peut qu’applaudir ce genre d’opération mettant les jeunes en situation de leur futur métier. Mais cela doit, bien sûr, être jugé avec plus d’indulgence qu’une représentation professionnelle.
L’orchestre du « Banquet céleste », mi pro-mi étudiants, se trouvait sur le devant de la scène, les chanteurs à l’arrière. Dirigé par Damien Guillon, il ne présentait qu’un seul instrument par pupitre mais aucun instrument à vent ni percussion qui auraient donné du relief au tissu orchestral. (Il est vrai que, dans cette œuvre, les vents interviennent surtout dans les intermèdes orchestraux dont la plupart avaient été supprimés). En revanche, côté continuo, on n’avait pas lésiné sur la quantité : trois théorbes, deux clavecins et un orgue positif. Le visage masqué, les musiciens soignaient leur phrasé, jouaient avec justesse et finesse. Allez, un peu plus d’allant dans les passages ternaires ne nous aurait pas déplu !
Paul Agnew (capture d’écran)
La distribution était dominée par le pro de l’affiche, Paul Agnew, dans le rôle d’Orfeo : excellente musicalité, remarquable présence. Il était un exemple et un maître pour les étudiants qui chantaient à ses côtés les autres rôles, y compris celui d’Eurydice, interprété par Laura Jarrell. On sentit le trac chez plusieurs d’entre eux. Leur justesse en pâtit. Beaucoup débutaient certainement sur la scène d’un grand opéra. On aurait voulu les applaudir pour les encourager. Mais que faire sur notre canapé ? La salle, devant eux, restait désespérément vide. Parmi eux, citons avec plaisir la Proserpine de Marine Breesé.
On sait gré à tous de nous avoir apporté l’opéra chez nous – comme d’autres livrent des repas à domicile. Mais ici, c’est la culture qui est gagnante. On découvre une nouvelle façon de consommer l’art lyrique en direct : l’Orfeo sur canapé !