Anna Bonitatibus propose de nous emmener pour ce concert d’après-midi au Teatro Rossini, au gré de la vie de Gioachino Rossini et de ses muses. Les pièces sélectionnées sont d’ailleurs quasiment exclusivement de la main du maître de Pesaro, excepté quelques brèves incursions chez la Malibran et la Colbran. Le programme de salle précise d’ailleurs les noms des dédicataires ou des inspiratrices des pièces. On notera l’humour (vraisemblablement volontaire) d’inclure Les noisettes, dédié par le compositeur à sa chienne Nini !
Les mélodies sélectionnées, pour beaucoup tirées des Péchés de Vieillesse, marient le sacré (Avé Maria et A ma belle mère) et le profane, alternent l’italien et le français en passant par le latin, et varient les atmosphères, plus intimistes ou plus animées.
Anna Bonitatibus, qui n’en est pas à sa première venue à Pesaro (sa première visite date de 2006), a fréquenté assidûment les œuvres de Rossini, et en particulier ces ariette et canzoni, qu’elle a enregistrés dans l’album Rossini : un rendez-vous. Cela s’entend et se voit, la chanteuse se passant le plus souvent de partition.
Elle met au service de ce répertoire un mezzo plein, au velours inentamé et à la rondeur de son nimbée d’un léger vibratello. L’interprète a surtout l’intelligence et la minutie pour mettre en valeur ces œuvres miniatures, mais aussi le tempérament pour les animer.
Anna Bonitatibus et Adele D’Aronzo © ROF / Studio Amati Bacciardi
Il faut la voir s’avancer, grave, pour donner toute la solennité de A ma belle mère, requiem de poche dont la brièveté n’enlève rien à la solennité.
Il faut voir la mezzo mordre à pleines dents dans A Granada, rendre tout l’élan amoureux mais aussi la distance ironique (l’attente agitée de l’amoureuse qui se termine par… « ce n’est pas lui ») de ce bijou dédié à Isabella II, reine d’Espagne.
Elle trouve en Adele D’Aronzo une interprète au diapason, la pianiste conjuguant une délicatesse de toucher avec une belle virtuosité (en particulier dans les deux premières pièces de piano solo).
Elles transforment ainsi ce qui ne pourrait n’être qu’un exercice convenu en un voyage passionnant dans un répertoire moins fréquenté de Rossini.