La nouvelle production de Cosi fan tutte au Théâtre des Champs-Elysées se présente comme une succession d’idées assez malheureuses qui pénalisent toute la représentation. Laurent Pelly fait le choix de placer l’intrigue dans un studio d’enregistrement berlinois, inspiré d’un lieu réel. Ce n’est ni nouveau (on se souvent de Die Frau ohne Schatten à Salzbourg) ni très inspiré au regard de l’œuvre de Da Ponte-Mozart. Tout le problème avec Cosi, c’est de rendre crédible les travestissements et quipropos pour montrer le trouble des sentiments qui affleurent. Ici, on ne comprendra jamais à quel moment la captation se détraque. A l’arrivée des Albanais, on se retrouve projeté sans prévenir dans une lecture littérale du livret dans des lieux, costumes et situations qui ne le supportent en rien. Tous les codes et références disséminés par le duo génial se trouvent gommés, les personnages perdent en consistance. Restent quelques effets comiques dont Laurent Pelly a le secret depuis très longtemps, mais qui s’avèrent ici parfaitement incongrus. Surtout, si le premier acte choral écrit par Mozart permet de faire illusion, le deuxième et ses moments d’introspection rend parfaitement inopérante toute la scénographie. L’ennui guette à mesure que l’on déplace des chaises et des micros.
La direction orchestrale d’Emmanuelle Haïm est ambivalente. Le Concert d’Astrée est remarquablement préparé, aussi souple que mordant, virtuose tout au long de la soirée. L’orchestre se pare de riches couleurs et de belles interventions des solistes, à commencer par le pianoforte qui déborde à l’occasion de ses récitatifs pour accompagner la narration. Pourtant à l’exception de « Soave sia il vento » et du premier air de Ferrando, les tempi retenus sont toujours (trop) rapides comme si la vitesse était gage de théâtralité. Ce n’est bien évidemment pas le cas et cette précipitation finit par aller de pair avec un déséquilibre entre la fosse et le plateau.
© Vincent Pontet
Une telle rapidité d’exécution laissait espérer qu’enfin on laisse à Ferrando son « Ah, lo veggio » du deuxième acte. Il n’en est rien. Dommage car Cyrille Dubois domine le plateau vocal : le phrasé mozartien est idéal, le timbre clair un rien pincé égal sur toute la tessiture et préservé dans les nombreuses nuances piano qu’il propose tout au long de la soirée. Florian Sempey ne démérite pas mais propose un chant moins coloré auquel il manque encore des accents giocoso. Laurent Naouri ferme la marche : il peine à suivre les tempi exigés, la voix accuse le coup et se blanchit au fil de la soirée. Chez ces dames, Laurène Paterno ne parvient pas encore à différencier son médecin de son notaire. Tous deux sont chantés avec une voix nasillarde faussement fausse. Gaëlle Arquez se fond sans mal dans rôle de Dorabella. Elle surprend dès le premier duo avec sa sœur en distillant une messa di voce pour jouer avec « le son » des micros. Las, le reste de la soirée sera plus sage même si sans faille. Vannina Santoni délivre un premier acte de belle facture. « Como scoglio » en impose par le tranchant de l’aigu et la qualité de la vocalise. Déjà pourtant, le bas de la tessiture peine à répondre à ses sollicitations et les choses se corsent dans sa grande scène du deuxième acte où c’est ce registre qui est le plus mobilisé. Enfin, le chœur Unikanti manque parfois de cohésion dans une prestation par ailleurs de bonne tenue.