En marge des nombreux récitals présentés cet été à Schwarzenberg figurait ce concert de quatuor vocal, entièrement consacré à Schubert, et révélant un répertoire rarement donné en dehors de l’Autriche, puisé au sein de la très abondante (mais inégale) littérature schubertienne pour petits ensembles vocaux avec piano. Ces œuvres souvent composées sur un coin de table dans un but de divertissement ou pour des circonstances diverses, mettent néanmoins en musique des textes de qualité. C’est toute une atmosphère de joyeuse camaraderie, d’interminables soirées entre amis arrosées de vin blanc frais, de longues conversations romantiques à refaire le monde qui sont évoquées ici et que tenteront de reproduire les cinq artistes de cette avant-soirée. Si le côté festif est bien présent, la réussite n’est cependant pas entièrement au rendez-vous.
Il y a d’abord que le quatuor vocal n’est guère homogène ; les voix intérieures, Mauro Peter, ténor entendu en récital l’avant-veille et Sophie Rennert, mezzo-soprano dominent assez sensiblement le casting, tant vocalement que par leur plus grande expérience, face à Brenda Rae, soprano un peu instable au vibrato bien trop large pour ce type de répertoire et David Steffens, voix certes puissante, mais sans grande couleur lorsqu’il quitte la nuance forte. Ensuite, ces quatre chanteurs ont chacun résolu de se faire entendre, c’est pour cela qu’ils sont venus, et entre eux s’établit rapidement une surenchère vocale, au grand détriment de la lisibilité des partitions : c’est à qui prendra le dessus (et le conservera), et tant pis pour les autres, au point que le piano est entièrement couvert, lui qui pourtant donne le ton, le rythme et la structure dont tous ont bien besoin.
A-t-il manqué d’une répétition ou deux ? Ce concert d’après midi a-t-il été pris avec trop de désinvolture face à un répertoire que la plupart de ces solistes découvrent, et à la difficulté – toujours éprouvée – de chanter ensemble ? Si tout est rythmiquement en place, la hiérarchisation des voix, le sens des textes et les véritables propositions interprétatives font souvent défaut. Il y a aussi, il faut bien le reconnaître, que toutes ces partitions ne sont pas des chefs-d’œuvre, et que certaines pourraient bien sommeiller encore un peu au fond de leur tiroir sans déranger personne.
J’ignore si c’est Helmut Deutsch qui est à l’origine de cette programmation, ni si c’est lui qui a coaché l’ensemble ; toujours est-il qu’il semble un peu perdu et pas toujours inspiré – lui non plus – pour (par exemple) donner un sens à la scène de Faust présentée quasi comme un mélodrame, ou au très long poème Cronnan, dont la conduite et la construction dramatique sont peu claires.
La seconde partie du concert parait un peu mieux maitrisée, elle présente aussi des partions moins obscures : ainsi, Der Tod und das Mädchen en version pour soprano et mezzo-soprano sort du lot, mais Der Jüngling un der Tod, présenté ici comme une sorte de pendant pour ténor et basse manque sa cible tant la basse peine à s’imposer dans la nuance piano. Il se rattrape un peu dans le duo entre Hector et Andromaque, la veine héroïque convenant mieux à sa voix. Vient ensuite une version à deux voix du célèbre Nur wer die Sehnsucht kennt, émouvante, et enfin une longue et intéressante prière sur un texte de Friedrich de la Motte Fouqué, l’auteur d’Ondine, reprise par l’ensemble du quatuor. Séduit par la joyeuse atmosphère que fait régner toute cette belle jeunesse, et sans doute plus enthousiaste que moi, le public réclamera encore deux bis.