La clôture du festival de Paris avait mis les petits plats dans les grands en invitant Jakub Josef Orliński sous les reflets irisés de la Sainte Chapelle. Las, ce soir-là l’Île de la Cité est bouclée – est rendu le verdict des procès des attentats du 13 novembre. Il Giardino d’Amore et le contre-ténor migrent donc à l’Eglise Saint-Germain-des-Prés où l’acoustique particulièrement réverbérante leur demandera quelques pièces du programme pour trouver leur marque et une balance un tant soit peu convenable.
Pourtant, les sons dédoublés comme dans deux miroirs qui se font face n’expliquent pas les scories qui émaillent toute la première partie du programme, tant pour l’accompagnement des arie que pour les extraits de concerto de Vivaldi et Haendel. On loue bien évidement la fougue du Giardino d’Amore dirigé du bout de l’archet et d’un déhanché serpentin par Stefan Plewniak. Contraste et virtuosité représentent les qualités de cette formation à la joie communicative. Revers de cette médaille, les imprécisions et savonnages font régulièrement perdre la ligne mélodique et donc la chair des accompagnements ou le discours des pièces « orchestrales ». Ne soyons pas trop dur, la deuxième moitié du concert aura permis aux musiciens comme au public de s’acclimater aux conditions du lieu. La symbiose opère alors et les deux derniers extraits des concertos de Vivaldi – pour viole d’amour et luth puis pour deux violons – nous laissent sur une impression enthousiasmante.
La symbiose avec Jakub Josef Orliński se produit également. Le chanteur s’en trouve libéré. Dans les premiers airs du récital, le medium disparaissait dans la faible épaisseur des griffonements des cordes et l’on sentait encore la vocalise scolaire. Le contre-ténor bénéfice toujours des qualités inaltérables de sa voix : une technique aguerrie (même si l’on connait plus virtuose) une puissance peu commune pour ce type de format vocal et un timbre égal sur toute la tessiture aux douceurs et moirures exquises. Tout l’enjeu pour Jakub Josef Orliński à présent c’est d’aller au-delà de cette plastique vocale avantageuse, comme déjà il l’avait fait en scène à Londres à l’automne dernier. Peut-être le concert n’est pas l’exercice le plus évident, mais tant « Se in fiorito » que les « Venti, turbini » donnent à entendre un autre niveau d’interprétation et surtout d’incarnation. Les apparitions scéniques à Paris et Rouen du break-dancer la saison prochaine seront à suivre de près.